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La nécessité d’une transition ambitieuse pour l’élevage : contribution à la SNANC (stratégie nationale alimentation-nutrition-climat)

Publié le 30 avril 2025

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Article publié

La présente contribution de La Fabrique Ecologique à la consultation publique sur le projet de Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC) n’a pas vocation à couvrir l’ensemble du champ de cette stratégie. Elle se concentre sur l’élevage des ruminants, et plus particulièrement les liens qui existent entre les questions de santé publique (à travers la nutrition), de maintien de la biodiversité et de lutte contre le changement climatique (atténuation et adaptation). 
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La présente contribution de La Fabrique Ecologique à la consultation publique sur le projet de Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC) n’a pas vocation à couvrir l’ensemble du champ de cette stratégie. Elle n’aborde notamment pas la question de l’impact des pesticides, à travers l’alimentation, sur la santé humaine, et les nécessaires évolutions de nos systèmes agricoles ou de nos politiques de libre-échange qui en découlent. La Fabrique Ecologique a publié sur ce sujet l’Atlas des pesticides [1], en partenariat avec La Fondation Heinrich Böll.
Elle se concentre sur les liens qui existent entre les questions de santé publique (à travers la nutrition), de maintien de la biodiversité et de lutte contre le changement climatique (atténuation et adaptation) en ce qui concerne l’élevage des ruminants. La Fabrique Ecologique a publié à ce sujet en décembre 2022 une « note » détaillée intitulée « Les prairies et l’élevage des ruminants au cœur de la transition agricole et alimentaire »[2]. A partir d’une analyse des données disponibles et de la littérature scientifique, cette note met notamment en lumière :
  • La place prépondérante de l’élevage des ruminants dans les émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture [3]
  • L’intérêt écologique des prairies permanentes (pour la biodiversité qu’elles abritent et pour le stock de carbone qu’elles représentent)
  • La meilleure valeur nutritionnelle des produits animaux issus d’un élevage à l’herbe.
Elle conclut sur la nécessité de redimensionner l’élevage des ruminants et de le recentrer principalement sur les prairies permanentes et autant que possible sur un élevage “mixte” (producteur de lait et de viande), tout en évitant des reports de consommation vers les importations, grâce à une politique alimentaire ambitieuse.
Ce recentrage de l’élevage permettrait de « libérer » plusieurs millions d’hectares de terres arables, ce qui pourrait être mis à profit pour améliorer la sécurité fourragère de l’élevage (en tant que mesure d’adaptation au changement climatique) et notre souveraineté alimentaire (en arrêtant les importations de tourteaux de soja pour nourrir les ruminants et en développant les cultures de légumineuses —y compris pour l’alimentation humaine— et de fruits et légumes), pour développer les infrastructures agro-écologiques (haies, bosquets, etc.), la méthanisation et les cultures énergétiques [4].
 
A cet effet, trois propositions clés étaient formulées, qui gardent leur pertinence et qui auraient vocation à être reprises par la SNANC :
  • 1. Agir sur la demande en labellisant l’élevage « à l’herbe » et en promouvant le “moins mais mieux” de viande et de produits laitiers :
    • Par un alignement de tous les signes et labels de qualité concernant les produits issus de l’élevage de ruminants sur un nouveau référentiel d’élevage “à l’herbe”, avec adossement auxdits labels d’une mention spéciale de type “élevage à l’herbe”, sous la conduite d’un comité national associant toutes les parties prenantes ;
    • Par l’information et la formation des acheteurs publics et des consommateurs, via une large diffusion des recommandations de santé publique, y compris sur les publicités, et par la promotion, à travers des campagnes co-financées par des fonds publics, à la fois du “moins mais mieux” et des produits de qualité bénéficiant de la mention « élevage à l’herbe » ;
    • Par l’interdiction des allégations portant sur l’élevage “à l’herbe” (et similaires) hors des labels reconnus et de tout financement par de l’argent public de campagnes de promotion en dehors des produits labellisés « élevage à l’herbe » ;
    • Par un renforcement important des obligations concernant les menus végétariens dans la restauration collective publique et l’introduction de dispositions spécifiques sur la qualité de la viande et des produits laitiers proposés.
  • 2. Orienter l’offre et accompagner socialement les éleveurs dans le redimensionnement et le recentrage de leur activité :
    • En mobilisant des financements innovants (publics ou privés) vers des projets de limitation du cheptel (« chargements ») associés à des actions de réduction de la demande de produits animaux, via de nouvelles “méthodes” du label bas-carbone, et en développant les paiements pour services environnementaux (PSE) pour protéger les prairies permanentes ;
    • En prévoyant une révision à mi-parcours du Plan stratégique national (PSN) d’application de la nouvelle PAC 2023-2027 pour mieux accompagner la transition de l’élevage des ruminants et le mettre en cohérence avec le paquet européen “Fit for 55” et la future Stratégie française pour l’énergie et le climat (SFEC).
  • 3. Impliquer davantage les collectivités territoriales sur la transition de l’élevage de ruminants et son « retour à l’herbe » :
    • Les intercommunalités devraient intégrer la préservation des prairies permanentes et l’objectif de redimensionnement et de recentrage de l’élevage des ruminants dans leurs plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) et leurs projets alimentaires territoriaux (PAT), ainsi que dans leurs décisions d’aménagement et la lutte contre l’artificialisation des sols, et promouvoir des filières locales de produits de qualité reconnue issus d’un élevage « à l’herbe », appuyées notamment sur l’approvisionnement de la restauration collective ;
    • Les régions devraient réunir des conférences régionales sur cette thématique puis accompagner les éleveurs dans la transition en finançant des investissements et des actions de conseil, de coopération et de promotion de ces produits (2ème pilier de la PAC et crédits régionaux).
 
La Fabrique Ecologique a bien pris note que les thématiques abordées dans sa note de 2022 sont évoquées dans le projet de SNANC et qu’elles ne sont donc pas ignorées des pouvoirs publics.
Toutefois, elle considère que la lutte contre le changement climatique n’apparaît pas suffisamment comme centrale dans le projet soumis à consultation, alors même que cette stratégie a pour vocation de répondre à une proposition de la convention citoyenne sur le climat, qui a souligné l’importance des choix alimentaires.
De par l’importance des émissions de méthane qu’il représente, l’élevage des ruminants mériterait une politique claire d’accompagnement des filières concernées, et notamment des éleveurs, vers un recentrage autour des prairies permanentes, une politique pérenne de protection de ces prairies et une politique alimentaire dotée de moyens nouveaux pour orienter la consommation vers le « moins mais mieux » de produits animaux. Nous espérons que le projet de stratégie peut encore être enrichi sur ces points, à partir des propositions ici rappelées.
 

 

Notes de bas de page

[1] Version française de l’Atlas des pesticides, publiée en mai 2023 : https://www.lafabriqueecologique.fr/atlasdes-pesticides/
[2] Ses auteurs sont : Mathilde Boitias, Jean-Christophe Bureau, Christian Couturier, François Demarcq, Michel Duru, Elyne Etienne, Jacques Morineau. https://www.lafabriqueecologique.fr/les-prairies-et-lelevage-de-ruminants-au-coeur-de-la-transition-agricole-etalimentaire/
[3] Le méthane émis par les ruminants représente par ailleurs au niveau mondial la deuxième source des émissions de méthane d’origine anthropique, qui conduisent à une augmentation continue de la teneur en méthane de l’atmosphère terrestre. Ainsi, le méthane émis par les activités humaines est jugé responsable d’une augmentation moyenne de la température terrestre de 0,5 °C sur la période 2000-2019 par rapport à la période de référence 1850-1900, juste derrière le dioxyde de carbone responsable de 0,8 °C – Source : GIEC (IPCC) – Rapport d’évaluation n°6 (AR6) – Groupe de travail n°1 (WGI) – Résumé pour décideurs (SPM-8). Le méthane est ainsi le deuxième gaz à effet de serre responsable du changement climatique.
Sur l’importance du méthane comme gaz à effet de serre, la Fabrique Ecologique a publié trois décryptages :
« Climat : omerta sur le méthane », janvier 2017, rédigé par Benjamin Dessus et Bernard Laponche, plaidant pour  une politique beaucoup plus active de diminution des émissions de ce gaz ; puis « L’urgence de réduire les émissions de méthane – Focus sur l’élevage », novembre 2022, rédigé par Christian Couturier et François Demarcq,  soulignant l’importance d’une réduction des émissions de méthane, renforcée par la durée de vie limitée de ce gaz dans l’atmosphère terrestre, et appelant à une action rapide et ordonnée dans notre pays dont les émissions « territoriales » proviennent essentiellement de l’élevage des ruminants ; et enfin « Le méthane dans les stratégies d’atténuation : un enjeu majeur – A la recherche des bonnes équivalences climatiques entre CO2 et méthane », juin 2024, rédigé par Christian de Perthuis, Christian Couturier et Sophie Szopa, qui réalise un examen critique des méthodes de comptabilisation du méthane.
[4] Sur les usages énergétiques de l’espace agricole, on pourra également se référer à la note de La Fabrique Ecologique « Les bioénergies : quelle place dans la transition énergétique ? », décembre 2023, rédigée par Christian COUTURIER, François DEMARCQ, Géraud GUIBERT et Laurent SIMON.

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