Agriculture
Climat
Consommation
Énergie
Santé environnementale
L’urgence de réduire les émissions de méthane : focus sur l’élevage
Publié le 3 novembre 2022
Accueil > Publications > L’urgence de réduire les émissions de méthane : focus sur l’élevage
Décryptage - N°42
Le rapport de l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), publié le 26 octobre 2022, montre que depuis 40 ans – début des mesures systématiques – la progression annuelle des concentrations de méthane n’a jamais été aussi forte qu’en 2021. Réduire les émissions de méthane constitue en outre le levier le plus rapide pour limiter le réchauffement climatique. Après une mise en contexte en France et à l’international, ce décryptage propose des pistes d’actions concrètes pour réduire les émissions de méthane en France, concernant notamment le secteur agricole.
Sommaire
Introduction
I. En France, l’élevage des ruminants, principale source d’émissions de méthane
II. Une durée de vie du méthane dans l’atmosphère beaucoup plus courte que celle du dioxyde de carbone
III. La réduction des émissions de méthane, un élément incontournable de la stabilisation du climat
IV. L’intégration de la réduction des émissions de méthane dans les engagements internationaux …
V. …mais en fait un angle mort des politiques de lutte contre le changement climatique
VI. La nécessité pour notre pays et l’Europe de mieux prendre en compte le méthane dans la politique agricole
Notes de bas de pages
Introduction
Le méthane (CH4)[1] est le deuxième plus important gaz à effet de serre (GES), après le dioxyde de carbone, dont la croissance de la concentration dans l’atmosphère terrestre est responsable du changement climatique[2]. Son pouvoir de réchauffement global (PRG) calculé sur 100 ans est 28 fois plus élevé que celui du gaz carbonique (voir infra).
Si le méthane est naturellement présent dans l’atmosphère, les apports dus à l’action humaine ont entraîné ont entraîné un quasi-triplement de sa concentration depuis la révolution industrielle et cette croissance s’est accélérée récemment (voir Figure 1 ci-dessous)[3].
Figure 1 : Evolution de la teneur moyenne en méthane de l’atmosphère terrestre – Source : NOAA – avril 2022.
À côté des sources naturelles de méthane comme les marais, le développement de la population et l’industrialisation se sont accompagnés d’une augmentation de la surface de rizières et de la taille du cheptel ruminant ainsi que de l’exploitation des énergies fossiles[4], qui sont les trois principales sources anthropiques de méthane dans le monde (voir Tableau 1 ci-dessous). Les sources anthropiques représentent aujourd’hui les deux-tiers des émissions de méthane (l’agriculture et l’exploitation des énergies fossiles étant à peu près à égalité au niveau mondial).
Tableau 1 : Émissions annuelles mondiales de méthane d’origine anthropique – moyenne 2008-2017 – Source : GIEC (IPCC) – Rapport d’évaluation n°6 (AR6) – Groupe de travail n°1 (WGI) – Chapitre 5, Tableau 5.2 | Global CH4 budget. p 31/144 (méthode bottom-up).
I. En France, l’élevage des ruminants, principale source d’émissions de méthane
En France, le méthane représente 13 % des émissions brutes totales de gaz à effet de serre (en équivalent CO2[5]), cette part étant globalement stable depuis 1990. Cependant, l’origine de ces émissions est structurellement différente de la moyenne mondiale, notre pays n’étant quasiment plus producteur de pétrole ou de gaz. Ainsi, ce sont les secteurs de l’agriculture et du traitement centralisé des déchets qui sont les principaux émetteurs (voir Figure 2 ci-dessous).
Les émissions de méthane ont baissé de 21 %, de 2,8 Mt en 1990 à 2,2 Mt en 2019 (représentant 56 Mt CO2-eq[6]), mais la part de l’agriculture est passée dans le même temps de 61 à 68 % car ses émissions ont peu diminué, au contraire de celles du secteur des déchets. Il est donc important, dans notre pays, de s’intéresser aux émissions de méthane liées à l’activité agricole.
Au total, les émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’agriculture française sont estimées à 83 Mt CO2-eq en 2020 par la stratégie nationale bas-carbone (SNBC 2 publiée en 2020) : ceci fait de l’agriculture le deuxième secteur d’émissions de GES dans notre pays avec 19 % du total, après les transports (31 %) mais légèrement devant le bâtiment (19 %) et l’industrie (18 %).
L’inventaire national des émissions établi par le CITEPA[7] indique pour 2019 que, sur un total de 73 Mt CO2-eq émis par l’agriculture (émissions « directes », c’est-à-dire hors utilisations de l’énergie[8]), les rejets de méthane dus à la fermentation entérique chez les ruminants[9] représentent 46 % du total ; il faut y ajouter les émissions, également constituées de méthane[10], provenant de la gestion des déjections d’élevage (stockage et épandage des fumiers et lisiers, déjections laissées au pâturage), qui concernent à la fois les ruminants et les monogastriques[11] ; elles pèsent pour 8 %. Au total l’élevage est donc responsable de 54 % des émissions directes de l’agriculture, soit 40 Mt CO2-eq, très majoritairement (52 % ou 38 Mt CO2-eq) du fait des ruminants[12].
.
Figure 2 : Evolution des émissions de CH4 de 1990 à 2021 pour la France métropolitaine et l’Outre-mer inclus dans l’UE (en kt/an) – Source : Inventaire d’émissions CITEPA – édition 2022
De ce fait, les ruminants représentent 9 % des émissions totales de GES de la France. Ces émissions de méthane imputables aux ruminants peuvent être rapportées aux environ 15 millions de têtes de gros bétail équivalent (UGB[13]) qu’ils représentent, soit une émission de l’ordre de 2,5 t CO2-eq par UGB et par an.
II. Une durée de vie du méthane dans l’atmosphère beaucoup plus courte que celle du dioxyde de carbone
Les inventaires d’émissions sont basés sur les pouvoirs de réchauffement global à cent ans (PRG 100) de chaque gaz à effet de serre (en équivalent CO2)[14]. Ces coefficients sont révisés régulièrement par le GIEC. Le 5ème rapport d’évaluation du GIEC (RE 5 – AR5 en anglais) donne les valeurs de 28 pour le méthane biogénique[15].
Ce choix d’une période d’intégration de 100 ans a été fait dès le début des travaux internationaux sur le réchauffement climatique il y a une trentaine d’années[16], cet horizon de temps apparaissant alors comme pertinent pour appréhender la dynamique du réchauffement climatique et définir les actions à entreprendre.
Toutefois, la durée de vie du méthane dans l’atmosphère est plus faible que celle du CO2 : en effet, le méthane est naturellement converti (essentiellement en CO2) dans l’atmosphère, avec une durée de vie moyenne d’environ 12 ans[17], alors que le CO2 peut être considéré comme quasi-permanent sur une durée d’un siècle.
Pour un gaz à relativement faible durée de vie comme le méthane, le PRG 100 « écrase » son effet à court terme sur le climat (son effet sur le forçage radiatif étant concentré sur le début de la période de 100 ans).
Pourtant, l’horizon des politiques publiques s’est fortement rapproché face à l’urgence climatique, avec des objectifs intermédiaires exigeants désormais fixés pour 2030 et 2050 (cf. la « neutralité carbone » pour l’Europe et la France), afin de limiter le réchauffement global à 1,5 °C (ou en tout cas en dessous de 2 °C) à l’horizon 2100.
Si l’on retenait une période de 20 ans, plus proche de l’horizon des politiques publiques, le PRG du méthane (PRG 20) serait de 82 au lieu de 28. De ce fait, ce gaz « pèserait » bien davantage dans les inventaires (le méthane lié à l’élevage des ruminants, au lieu de 9 %, représenterait environ 20 % des émissions nationales).
Cependant, certains auteurs contestent la « métrique » du PRG et ont proposé d’autres paramètres destinés à mieux représenter le comportement des précurseurs à vie courte[18].
III. La réduction des émissions de méthane, un élément incontournable de la stabilisation du climat
La prise de conscience de la situation décrite ci-dessus a conduit certains auteurs engagés dans l’action pour le climat à plaider pour conférer une place plus importante aux rejets de méthane dans les priorités de réduction des émissions[19].
Toutefois, de manière plus récente, d’autres auteurs et certains acteurs économiques, prenant appui sur les contestations de la « métrique » des gaz à vie courte, soutiennent qu’il ne serait pas nécessaire de réduire fortement les émissions de méthane et qu’il suffirait de les stabiliser ou de les réduire légèrement. Ils s’appuient sur un raisonnement simple : si on partait d’une teneur en méthane de l’atmosphère terrestre stabilisée, en équilibre avec un niveau d’émissions également stabilisé, une réduction pérenne de ces émissions – même relativement limitée – aurait un effet « refroidissant » sur le climat, puisque la teneur dans l’atmosphère se réduirait progressivement, ainsi que le forçage radiatif induit[20]. Néanmoins, comme montré ci-dessus, la situation de l’atmosphère terrestre et des rejets est loin de cette situation de stabilité.
Le recours à une métrique commune à tous les gaz à effet de serre, comme le PRG, reste d’abord une facilité pour l’action (en ce qu’elle permet d’agréger tous les GES dans la comptabilité des émissions et la fixation des objectifs) et peut paraître à certains égards arbitraire. Cependant, les modèles climatiques établis par le GIEC distinguent bien, quant à eux, les différents gaz et rendent compte de leurs comportements différents, sans être tributaires des conventions d’une quelconque « métrique ». Les scénarios de réduction des émissions qui en découlent, et qui permettent d’illustrer les mesures à prendre pour stabiliser notre climat, prennent également en compte ces différences.
Certains de ces scénarios font apparaître un dépassement momentané (« overshoot ») autour de 2050 de l’objectif de 1,5 °C (objectif de réchauffement retenu par l’accord de Paris à l’horizon 2100), suivi d’un retour à cet objectif dans les décennies suivantes ; ceci peut être obtenu grâce à des émissions de CO2 devenues négatives après 2050 (notamment par fixation du CO2 atmosphérique par la photosynthèse et stockage dans les écosystèmes comme les forêts) mais aussi grâce à la réduction des rejets de méthane qui permet la stabilisation à partir des années 2040-2050 puis la destruction partielle du stock de ce gaz accumulé dans l’atmosphère, conduisant alors à une réduction du forçage radiatif.
Le CO2 émis à l’atmosphère ayant des effets de longue durée (plusieurs siècles), il faut en stopper complètement les émissions nettes pour seulement stabiliser sa teneur dans l’atmosphère et le forçage radiatif qu’elle induit à l’horizon 2100 (c’est ce qui fait du réchauffement climatique, en première analyse, un phénomène cumulatif). De son côté, une réduction forte des émissions de méthane permet au contraire d’envisager à un horizon relativement rapproché une réduction du forçage radiatif induit par ce gaz ; cette action apparaît donc comme particulièrement efficace. Pour autant, les scénarios mondiaux ne prévoient pas la suppression totale des émissions de méthane d’origine anthropique (laissant ainsi une place indispensable à la production agricole).
Ainsi, selon le 6ème rapport d’évaluation du GIEC (chapitre III sur la mitigation), dans les voies limitant le réchauffement à probablement 2,0 °C ou moins, les émissions de méthane sont réduites d’environ 20 % en 2030 et de près de 50 % en 2050, par rapport à 2019. Les réductions des émissions de méthane dans les voies limitant le réchauffement à 1,5 °C avec un dépassement nul ou limité sont nettement plus élevées d’ici 2030, soit 33 %[21] (voir Figure 3 ci-dessous).
Quelle que soit la méthode utilisée pour relier les émissions de différents gaz à effet de serre, les scénarios permettant d’obtenir une température moyenne mondiale stable bien en dessous de 2 °C nécessitent donc à la fois des émissions nettes quasi nulles de gaz à effet de serre à longue durée de vie comme le gaz carbonique, et de fortes réductions des émissions des gaz à courte durée de vie comme le méthane.
Légende :
Figure 3 : Emissions de méthane dans les différents scénarios du GIEC – Source : IPCC AR6 WGIII – SPM, Figure SPM.5 | Illustrative Mitigation Pathways (IMPs) and net zero CO2 and GHG emissions strategies ; pp. 30/53.
IV. L’intégration de la réduction des émissions de méthane dans les engagements internationaux …
Le choix d’une métrique des GES et la place des différents gaz dans les stratégies de lutte contre le changement climatique ont fait l’objet de multiples discussions au sein du GIEC et dans les cadres décisionnels de la CNUCC ou de l’Union européenne. Il a été décidé de manière constante de continuer à utiliser la métrique du PRG 100 comme base des décisions[22].
Du point de vue de l’action climatique à entreprendre, l’Union européenne a défini la « neutralité carbone », qu’elle vise en 2050, par l’équilibre entre toutes les émissions (CO2 et autres, dont le méthane[23]) et les puits (qui sont essentiellement des puits de CO2)[24]. Ainsi, le règlement (EU) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre pour atteindre la neutralité carbone (…), dit « loi européenne sur le climat », prévoit à son article 2 :
« 1. L’équilibre entre les émissions et les absorptions des gaz à effet de serre réglementées dans le droit de l’Union à l’échelle de l’Union est atteint dans l’Union d’ici à 2050 au plus tard, les émissions nettes se trouvant ainsi ramenées à zéro d’ici à cette date, et l’Union s’efforce de parvenir à des émissions négatives par la suite. »
De même, l’article 4 de ce règlement prévoit :
« 1. Afin d’atteindre l’objectif de neutralité climatique énoncé à l’article 2, paragraphe 1, l’objectif contraignant de l’Union en matière de climat pour 2030 consiste en une réduction, dans l’Union, des émissions nettes de gaz à effet de serre (émissions après déduction des absorptions) d’au moins 55 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990. »
En France, la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat a défini la neutralité carbone comme « un équilibre, sur le territoire national, entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre ».
En conséquence, la réduction des émissions de méthane est pleinement intégrée à l’objectif de « neutralité carbone » et à ses étapes intermédiaires, en utilisant la métrique internationalement reconnue (le PRG 100). Une baisse importante des émissions de méthane, outre son efficacité intrinsèquement élevée compte tenu de la durée de vie limitée de ce gaz, apparaît en conséquence comme incontournable pour assurer l’atteinte de l’objectif de « neutralité carbone » tel qu’il a été défini dans nos engagements internationaux.
V. …mais en fait un angle mort des politiques de lutte contre le changement climatique
Le méthane devrait donc figurer en tant qu’élément essentiel dans les politiques de réduction des émissions des gaz à effet de serre, mais il semble bien qu’aujourd’hui encore, il en constitue plutôt un « angle mort ».
Au niveau international, la France, parmi une centaine de pays, a certes signé un engagement, lors de la 26ème Conférence des parties à la convention-cadre des Nations-Unies sur le changement climatique (COP 26) tenue en novembre 2021 à Glasgow, de réduire de 30 % les émissions de méthane en 2030 par rapport à 2020. Cet engagement, qui constitue la première initiative intergouvernementale d’ampleur sur cette question, est cependant collectif (donc non individuellement opposable à aucun des signataires). L’attention y est essentiellement portée sur les émissions du secteur des énergies fossiles, qui représentent au niveau mondial, à juste titre, la première priorité. En revanche, aucune discussion d’envergure n’a encore eu lieu sur l’avenir des émissions liées à l’élevage des ruminants ou aux autres sources (voir Tableau 1).
L’organisation météorologique mondiale vient d’indiquer que la concentration de méthane dans l’atmosphère terrestre a connu en 2021 une hausse record.
Il y a donc urgence à agir fortement. Réduire les émissions de méthane constitue le levier le plus rapide pour limiter le réchauffement climatique. Il est essentiel que la COP 27 en Egypte débouche sur des avancées concrètes dans ce domaine.
VI. La nécessité pour notre pays et l’Europe de mieux prendre en compte le méthane dans la politique agricole
Si, au niveau mondial, l’exploitation des énergies fossiles est le premier secteur émetteur de méthane (voir Tableau 1), il n’en va pas de même en Europe[25] et en France. Dans notre pays, ainsi que l’illustre la Figure 2, c’est bien l’agriculture (essentiellement l’élevage des ruminants) qui constitue l’enjeu principal en la matière.
La Fabrique écologique vient de publier en octobre 2022 une note intitulée « Les prairies et l’élevage des ruminants au cœur de la transition agricole et alimentaire » qui cherche à concilier une baisse importante des émissions de méthane des ruminants avec la protection des prairies (qui constituent un stock de carbone et un réservoir de biodiversité) et l’amélioration de la santé publique attendue d’une baisse de la consommation moyenne de produits carnés. Elle préconise ainsi de redimensionner l’élevage des ruminants et de le recentrer principalement sur les prairies permanentes et autant que possible sur un élevage “mixte” (producteur de lait et de viande) ; la réduction attendue du cheptel bovin français serait de 30 à 50 %, entraînant une baisse des émissions de méthane comparable.
La note réclame un traitement plus réaliste du méthane et de l’élevage des ruminants dans la future « stratégie française énergie et climat » et la SNBC 3 (à travers un « budget méthane »), en assurant la cohérence avec une politique agricole réorientée.
Trois propositions clés y sont formulées et déclinées pour notre pays :
-
Agir sur la demande en labellisant l’élevage « à l’herbe » et en promouvant le « moins mais mieux » de consommation de viande et de produits laitiers ;
-
Orienter l’offre et accompagner socialement les éleveurs dans le redimensionnement et le recentrage de leur activité ;
-
Impliquer davantage les collectivités territoriales (régions et intercommunalités) sur la transition de l’élevage de ruminants et son « retour à l’herbe ».
Notes de bas de pages
[1] La Fabrique Ecologique a déjà publié un premier décryptage sur ce sujet en janvier 2017, rédigé par Benjamin Dessus et Bernard Laponche, intitulé « Climat : omerta sur le méthane ». Le présent décryptage le complète et l’actualise.
[2] Ainsi, le méthane émis par les activités humaines est jugé responsable d’une augmentation moyenne de la température terrestre de 0,5 °C sur la période 2000-2019 par rapport à la période de référence 1850-1900, juste derrière le dioxyde de carbone responsable de 0,8 °C – Source : GIEC (IPCC) – Rapport d’évaluation n°6 (AR6) – Groupe de travail n°1 (WGI) – Résumé pour décideurs (SPM-8).
[3] Dans la période récente, celle-ci atteignait 1 748 ppb en 1998 (un ppb est égal à un milliardième) ; puis, après une période de stabilisation de 1999 à 2006 à environ 1 774 ppb, la croissance de sa concentration a repris en 2007 à un rythme de 5 à 15 ppb par an, atteignant 1 879 ppb en 2020. L’Organisation météorologique mondiale (OMM) a récemment annoncé une croissance annuelle record en 2021, pour atteindre le chiffre de 1 908 ppb. l L’OMM indique que « la cause de cette augmentation exceptionnelle n’est pas clairement établie, mais il semble que des processus tant biologiques qu’anthropiques soient à l’œuvre ».
[4] L’exploitation pétrolière est à l’origine de rejets de méthane (produit avec le brut mais non toujours valorisé ni brûlé à la torchère), de même que l’exploitation gazière (fuites, etc.). Des fuites ont ensuite lieu tout au long de la chaîne de transport et de stockage du gaz. L’exploitation du charbon est également une source importante de méthane.
[5] Les inventaires agrègent les émissions des différents GES en se fondant sur les pouvoirs de réchauffement global (PRG) de chaque gaz à effet de serre (en équivalent CO2). Cette métrique retenue internationalement fait l’objet d’une discussion ci-après.
[6] Mt CO2-eq : millions de tonnes de gaz carbonique – équivalent.
[7] Centre interprofessionnel technique d’étude de la pollution atmosphérique, chargé d’établir les inventaires sous le format défini par la convention-cadre des Nations-Unies sur le changement climatique (CNUCC).
[8] Combustibles et électricité utilisés pour les machines agricoles, le refroidissement, le chauffage, etc.
[9] Les ruminants comprennent les bovins, les ovins et les caprins. La fermentation entérique est liée à la digestion de cellulose et autres glucides par l’activité des bactéries cellulolytiques présentes dans le rumen (premier estomac) des ruminants.
[10] Et marginalement de protoxyde d’azote (N2O). La FAO utilise désormais les coefficients AR5 mais les inventaires nationaux fournis dans le cadre de la Convention-cadre des Nations-Unies sur le changement climatique (CCNUCC) utilisent encore les chiffres tirés du rapport précédent (AR4), de même que la SNBC.
[11] Porcins et volailles
[12] Le solde des émissions directes de l’agriculture est essentiellement imputable aux émissions de protoxyde d’azote (N2O) dues à l’utilisation d’engrais chimiques. Au niveau mondial, pour l’ensemble des émissions directes de l’agriculture, le méthane est bien le gaz dominant (de 56 à 68 % selon le PRG choisi, d’après les estimations de la FAO), le protoxyde d’azote représentant quasi-exclusivement le solde.
[13] L’unité de gros bétail (UGB) permet d’agréger, dans les statistiques agricoles, différentes espèces d’animaux et les individus d’âges et de sexes différents. Les vaches laitières comptent pour 1, les vaches allaitantes pour 0,85, les autres bovins entre 0,25 et 0,8 selon leur âge. Les brebis et les chèvres comptent pour 0,15 UGB.
[14] Le PRG 100 intègre, sur une durée de 100 ans, les effets en termes de « forçage radiatif » d’un rejet ponctuel (au temps t=0) d’une quantité donnée de gaz à effet de serre (par exemple un kilogramme de méthane ou de protoxyde d’azote) et le rapporte aux effets du rejet ponctuel de la même quantité de CO2 (par définition, le PRG du CO2 est donc de 1).
[15] Et de 265 pour le protoxyde d’azote.
[16] La convention-cadre des Nations-Unies sur le changement climatique a été signée à Rio-de-Janeiro en 1992.
[17] Une autre manière d’exprimer la décroissance d’un GES consiste à indiquer la période au bout de laquelle la moitié de sa quantité initiale a disparu (« demi-vie ») ; ce chiffre est légèrement inférieur à la durée de vie moyenne. Ainsi, le sixième rapport du GIEC (AR6) – tableau 6.2 du rapport du groupe 1 – donne une valeur de 9,7 années (± 1,1 année) pour la demi-vie « chimique », tenant compte de toutes les voies de dégradation du méthane. Ceci veut dire qu’il ne reste dans l’atmosphère que 50 % du méthane initial au bout de 10 ans, puis 25 % au bout de 20 ans, etc.
[18] Ainsi Keith Shine a développé la notion de GTP (Global Temperature Potential) [ref : K. Shine et al., 2007 : Comparing the climate effect of emissions of short- and long-lived climate agents. In Phil. Trans. R. Soc. A (2007) 365, 1903–1914, DOI:10.1098/rsta.2007.2050]. Ultérieurement, il a préconisé d’utiliser le TEMP (Temperature Proxy Index) développé par Tanaka [ref : K. Tanaka et al., 2009 : Valuating Global Warming Potentials with historical temperature. In Climatic Change (2009) 96:443–466DOI 10.1007/s10584-009-9566-6]. Selon lui, en analysant la période 1890-2000, la valeur de TEMP qui parvient le mieux à correspondre aux observations correspond à un PRG 44.
Une utilisation révisée du PRG a été proposée sous la dénomination de PRG* [ref : Lauder et al., 2013; Allen et al., 2016 et 2018]. Le rapport « 1,5 °C » du GIEC l’évoquait ainsi : cette proposition assimile « un changement durable dans le taux d’émission d’un précurseur à vie courte (en tonnes par an) […] avec une émission d’impulsions ponctuelles (en tonnes) d’une quantité fixe de CO2 ». La méthode de calcul a fait l’objet de plusieurs améliorations, la plus récente étant proposée par Smith et al. 2021, « Further improvement of warming-equivalent emissions calculation ». Pour calculer les émissions en équivalent CO2 avec le GWP*, ces auteurs proposent la formule suivante pour le méthane : E*(t) = 128.E(t)-120.E(t-20). C’est-à-dire que les émissions exprimées en équivalent CO2 sont égales à 128 fois les émissions de l’année t considérée, dont on déduit 120 fois les émissions de la vingtième année antérieure. La formule tient compte à la fois du « stock » et du « flux » de méthane. Les coefficients déterminés de manière empirique dépendent de l’horizon temporel de l’analyse ainsi que de la trajectoire d’émission.
[19] cf. notamment le premier « décryptage » de La Fabrique écologique paru en janvier 2017, déjà cité.
[20] Pour illustrer cette hypothèse, on peut prendre l’image d’une baignoire dont la bonde serait ouverte (destruction du méthane) et qui serait alimentée au même débit par un robinet (rejets constants). La fermeture partielle du robinet ferait baisser le niveau dans la baignoire.
[21] IPCC AR6 WGIII 3-5, p. 13/164, lignes 35 et suivantes.
[22] Par exemple, la Commission européenne, dans son rapport stratégique « A clean planet for all » (2018), conclut que, bien qu’aucune métrique ne puisse parfaitement saisir les différences de dynamique de température entre les GES au fil du temps, le PRG 100 est une métrique transparente et bien connue qui fournit une relativement bonne représentation de l’importance des différents gaz pour la réalisation de nos objectifs de température et de la perspective des Accords de Paris.
[23] Il est entendu que les émissions comme les puits sont évalués en utilisant la métrique du PRG 100.
[24] On peut noter qu’il aurait été théoriquement envisageable d’adopter une définition plus restrictive de la neutralité carbone, en la faisant uniquement porter sur les émissions et les puits de CO2, tout en adoptant des mesures complémentaires sur les autres gaz (y compris d’autres gaz à vie longue comme le N2O ou les gaz fluorés). Pour obtenir une équivalence avec l’objectif fixé par l’Union européenne, il aurait été nécessaire de compenser les émissions résiduelles des autres gaz à vie longue par des réductions précoces des émissions de gaz à vie courte (avec un degré élevé de complexité). L’objectif de neutralité « tous gaz confondus » permet par ailleurs à l’Union de « montrer l’exemple » parmi les pays développés – en appliquant le principe de la « responsabilité partagée mais différenciée » avec les pays en développement, qui est une des bases de la « convention climat » de 1992 – puisque les scénarios mondiaux compatibles avec l’objectif 1,5 °C (avec un overshoot faible ou limité) prévoient la « neutralité CO2 » en 2050 (en moyenne pour toute la planète) mais attendent 2067-2068 pour assurer une neutralité « tous GES » [ref : rapport « 1,5 °C » du GIEC – https://www.ipcc.ch/sr15/chapter/chapter-2/ § 2.3.3.2 et tableau 2.4].
[25] Selon les statistiques tenues par l’agence européenne de l’environnement (AEE), la part de l’agriculture dans les émissions de méthane au niveau européen est passée de 49 % en 2010 à 55 % en 2020. Voir : https://www.eea.europa.eu/data-and-maps/data/data-viewers/greenhouse-gases-viewer.
Agriculture
Biodiversité
Climat
Consommation
Économie, Finances
Énergie
Politique de l’énergie : quelques priorités pour le nouveau gouvernement
Décryptage - N°51 - Publié le 22 octobre 2024
Synthèse
François Demarcq et Géraud Guibert plaident pour la mise en place d’une planification écologique et énergétique. Ce sujet a déjà été évoqué à plusieurs occasions mais peine à se traduire par des mesures concrètes absolument nécessaires pour espérer atteindre nos objectifs écologiques. Les auteurs proposent ici plusieurs mesures phares.
Consommation
Économie, Finances
Politique Société
Repenser le monde du travail pour faire face à l’urgence climatique
Article de l’Oeil - N°55 - Publié le 10 octobre 2024
Synthèse
0 commentaire