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Le Conseil constitutionnel face aux reculs récents de la protection de l’environnement

Publié le 14 octobre 2025

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Décryptage - N°55

Depuis quelques temps, les signaux de recul en matière de politiques écologiques se multiplient. Ces régressions se font à contre-courant de l’opinion publique, du consensus scientifique et parfois même de l’état de droit. En 2025, la loi d’orientation agricole et la loi Duplomb les illustrent parfaitement. Dans ce décryptage, Frédéric Tieberghien, Conseiller d’état honoraire, revient sur les décisions du Conseil constitutionnel à propos de ces deux lois, et les implications politiques quant à la protection de l’environnement.
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Synthèse

En 2005 la Charte de l’environnement a été intégrée à la Constitution française. Elle a instauré de nouveaux droits, devoirs ou principes, tels que le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, ou encore le droit de participation à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. L’incorporation d’un principe de non-régression au Code de l’environnement en 2016, a également été un moment fort, bien que son absence de valeur constitutionnelle limite sa portée. Une intégration de ce dernier à la Charte de l’environnement aurait constitué une avancée environnement d’ampleur.
Pourtant, avec l’accélération de la crise environnementale et sociale, l’environnement demeure souvent la première variable d’ajustement. Les engagements ambitieux, comme la sortie définitive du glyphosate, font long feu, sous l’influence de lobbies. L’année 2025 a été marquée par les reculs environnementaux – loi d’orientation agricole puis la loi Duplomb, qui visaient à dispenser de fait les projets agricoles des exigences de la Charte de l’environnement en raison d’un caractère d’intérêt général majeur de l’agriculture. La présomption d’absence d’intention inconditionnelle pour les délits d’atteinte aux espèces protégées, à leurs habitats naturels ou à des sites d’intérêt géologique, pour les agriculteurs est une deuxième atteinte grave. S’y ajoute la réintroduction de l’acétamipride, malgré la nocivité avérée des néonicotinoïdes.
Ces régressions, à contre-courant de l’opinion publique, du consensus scientifique et parfois même de l’état de droit, ont été atténuées par les décisions du Conseil constitutionnel (n° 2025-876 DC et n° 2025-891 DC). Mais sa position, en rappelant que son pouvoir général d’appréciation et de décision n’est pas de même nature que celui du Parlement, n’offre pas de garantie contre d’autres offensives contre l’environnement. Une protection de l’environnement et de la santé humaine plus radicale aurait pu être atteinte si le Conseil s’était référé dans sa seconde décision à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de 2023 (interdiction de dérogation au règlement européen de 2009), ce qu’il a omis de faire.
Au-delà des dimensions environnementale et sanitaire, ces reculs, que les pouvoirs publics encouragent plutôt que de les freiner, questionnent l’état de la démocratie. La plus marquante des dérives est celle du pouvoir législatif, qui, en méconnaissant délibérément la constitution, vote des lois qui lui sont contraires pour satisfaire des revendications professionnelles catégorielles, ou de caractère populiste. Ces à-coups et retours en arrière conduisent à une perte de lisibilité, et nuisent à l’acceptabilité et l’efficacité des mesures environnementales.
Dans la droite ligne de la Déclaration de Rio de juin 1992, et en accord avec la Charte de l’environnement, c’est bien une implication plus large des citoyens quant aux mesures environnementales à fort impact, actuellement décidées en cercle fermé, qui permettra de lutter contre des reculs environnementaux d’ampleur.

Un Etat empêtré dans des conflits d’intérêts et sans direction environnementale claire

En Bref
Dans les discours, des engagements environnementaux forts.
Dans les actes, des reculs environnementaux conséquents.
Ce constat s’applique tout autant à l’échelle nationale qu’à l’échelle européenne. Parmi les plus emblématiques :
  • L’engagement ferme du président Macron pris en 2017 d’interdire le glyphosate au plus tard en 2020, désavoué dès 2019, sous prétexte d’une infaisabilité, contestée par des associations et acteurs institutionnels ;
  • Le retrait par la Commission Européenne, en 2024, de sa proposition de réglementation sur l’usage durable des pesticides (SUR), proposée en 2022, visant à réduire de 50 % l’usage des pesticides d’ici à 2030.

Texte complet
L‘agriculture française utilise beaucoup d’engrais et de pesticides pour améliorer la productivité des exploitations et sécuriser les revenus de ses agriculteurs[i]. Et si l’Etat a adopté, depuis le Grenelle de l’environnement en 2008 et sous l’impulsion de l’Union européenne, deux plans successifs (Ecophyto) pour faire baisser la consommation de produits phytosanitaires, ces plans ont jusqu’ici produit peu d’effets[ii].
Malgré cela, Marc Fesneau, alors ministre de l’agriculture, a approuvé en novembre 2023 la proposition de la Commission européenne d’extension de l’autorisation d’utilisation du glyphosate pour une durée de 10 ans et non de 5 comme initialement prévu.  Cette proposition s’appuyait sur des études contestées, car provenant principalement d’industriels, et faisait fi du classement, en 2015, du glyphosate comme « probablement cancérogène », par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le Président de la République s’était pourtant engagé en 2017 à interdire le glyphosate, au plus tard en 2020, avant d’effectuer un revirement complet en 2019, sous la pression du principal syndicat agricole, la FNSEA, en raison d’une prétendue infaisabilité. Cette décision a été vivement critiquée, aussi bien par des acteurs associatifs, tel que Générations Futures, qu’institutionnels, tel que l’INRAE.
Par ailleurs, la suspension du plan Ecophyto puis son rétablissement avec une ambition et des exigences affaiblies, tout comme l’abandon de la proposition de loi visant à renforcer la protection des ressources en eau potable[iii], confirment que les préoccupations de santé publique, composante du développement durable, passent désormais en France au second plan par rapport à la production agricole et à l’optimisation du revenu des agriculteurs.
A l’occasion du mouvement des agriculteurs en janvier 2024, le Premier ministre, Gabriel Attal, a annoncé de nouveaux reculs environnementaux, tel que la réduction des délais de recours contre les projets agricoles[iv]. Il a également battu en retraite en annonçant, conformément aux revendications de la FNSEA, des Jeunes Agriculteurs et de la Coordination rurale, la mise à l’arrêt du plan Ecophyto, le temps de choisir un nouvel indicateur. En effet, le « nodu » était contesté par ces syndicats agricoles, FNSEA en tête, qui souhaitaient lui substituer l’indicateur européen HRI, bien plus favorable à une large utilisation des pesticides. Le ministre de l’agriculture ajoutait dans la foulée : « Nous allons donc remettre sur l’ouvrage le plan Ecophyto, le mettre donc en pause, le temps d’en retravailler un certain nombre d’aspects, de le simplifier ». Le Premier ministre a confirmé lors d’une conférence de presse tenue le 21 février 2024, trois jours avant l’ouverture du Salon de l’agriculture, que le « nodu » serait bien abandonné au profit du HRI (indicateur de risque harmonisé)[v].
Parallèlement, pour répondre à la grogne agricole qui gagnait plusieurs pays de l’UE, la Commission européenne, après que ce texte ait été rejeté par le Parlement européen en décembre 2023, a annoncé l’abandon du règlement européen pour un usage durable des pesticides, qui prévoyait une réduction de 50 % de l’usage des pesticides d’ici 2030.
Depuis lors, les attaques contre l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES), qui délivre et retire depuis 2014 les autorisations de mise sur le marché des pesticides, se sont multipliées sous l’impulsion de la FNSEA et de La Coordination rurale. Une disposition visant à restreindre ses pouvoirs, par la création d’un conseil d’orientation de protection des cultures où siégeraient des représentants de l’industrie, et ainsi en redonner davantage au ministre de l’agriculture, a été incluse dans la proposition de loi Duplomb visant à lever les contraintes pour les agriculteurs adoptée par le Sénat le 28 janvier 2025.
Cette proposition de loi entendait aussi réautoriser pour une période de 3 ans l’usage de l’acétamipride, insecticide de la famille des néonicotinoïdes, interdit en France depuis 2018 en application de la loi du 8 août 2016[vi] mais autorisé dans l’Union européenne jusqu’en 2023[vii]. Lors de l’examen de cette proposition par l’Assemblée nationale en mai 2025 a également été facilitée la construction des méga-bassines, réserves d’eau destinée à l’agriculture, en les présumant d’intérêt général majeur ou répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur. Enfin, pour faciliter la création et l’extension des élevages, cette loi dispose que « Le principe de non-régression défini au 9° du II de l’article L. 110-1 du Code de l’environnement ne s’oppose pas, en ce qui concerne les élevages bovins, porcins et avicoles, au relèvement des seuils de la nomenclature mentionnée à l’article L. 511-2 du même Code ». En d’autres termes, cet article vise à écarter par avance l’obstacle que pourrait représenter le principe de non-régression du Code de l’environnement, en cas de relèvement des seuils d’autorisation des élevages relevant des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) par le pouvoir réglementaire, conformément à ses prérogatives. Définitivement adoptée le 2 juillet 2025 par le Sénat, la loi Duplomb a été déférée au Conseil constitutionnel qui a eu à appliquer une nouvelle fois à cette occasion la charte de l’environnement (cf. III).
Plus radicale, la loi d’orientation agricole adoptée quelques mois auparavant, le 20 février 2025, a reconnu à l’agriculture un caractère « d’intérêt général majeur », dans le but de :
  • Pouvoir écarter les règles européennes sur la protection de la biodiversité ;
  • Consacrer pour les pesticides le principe « pas d’interdiction sans solution » ;
  • Et pour l’agriculture un principe de non-régression de la souveraineté alimentaire permettant de faire échec au principe de non régression environnementale ;
  • Dépénaliser les atteintes non intentionnelles à l’environnement.
Elle a été soumise au Conseil constitutionnel le 24 février 2025, qui a également eu à appliquer à cette occasion la charte de l’environnement (cf. III).

Notes
[i] Sur ce point, voir Conseil d’Etat, Etudes et documents, L’eau et son droit, 2010, p 164 et s.
[ii] Le premier plan Ecophyto 2008 visait une réduction de 50 % à l’horizon 2018. Durant la période 2009–2013, l’indicateur retenu pour le suivi du plan, le « nodu », qui a été conçu dans la perspective de leur élimination, a enregistré une augmentation de la consommation nationale de pesticides de 5 %. Le plan Ecophyto 2008 a été abandonné et remplacé par un nouveau plan Ecophyto II (la réduction de 25 % est repoussée à 2020 et celle de 50 % à 2025) devenu ensuite II+, puis par la stratégie Ecophyto 2030 repoussant ce même objectif à 2030, soumise à la consultation des parties prenantes en octobre 2013.
Laurence Guichard, François Dedieu, Marie-Hélène Jeuffroy, Jean-Marc Meynard, Raymond Reau et Isabelle Savini, Le plan Ecophyto de réduction d’usage des pesticides en France : décryptage d’un échec et raisons d’espérer, Cah. Agric., Volume 26, Numéro 1, Janvier-Février 2017. Ces auteurs expliquent que l’agriculture se trouve dans une situation de « verrouillage sociotechnique » autour des systèmes de production spécialisés et intensifs en intrants chimiques, qui freine le développement des alternatives aux pesticides.
Assemblée nationale, Commission d’enquête sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l’exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire, 21 décembre 2023. Ce rapport sévère dénonce une politique publique sans pilote et sans vision d’ensemble, axée sur les moyens et non sur les résultats. Son rapporteur, le député Dominique Potier, a utilisé l’analogie suivante en commentant ce rapport devant la presse : le plan Ecophyto est « comme une voiture sans pilote et sans tableau de bord, qui circule sur une route sans radar et dont les passagers passent leur temps à discuter pour savoir si la direction est pertinente » (Le Monde, 22 décembre 2023) puis qualifié la suspension du plan Ecophyto par le gouvernement Attal de « faute politique majeure ». A titre d’illustration de cet échec, le rapport souligne que 4 300 captages d’eau potable sur 35 000 ont dû être fermés du fait de teneurs excessives en nitrates et pesticides.
[iii] Cf note 2, ainsi que le rejet par le Sénat, le 12 juin 2025, de la proposition de loi portée par le groupe socialiste visant à renforcer la protection des ressources en eau potable contre les pollutions diffuses ; avis auquel s’est rangé le gouvernement.
[iv] Décret n° 2024-423 du 10 mai 2024 portant adaptation de la procédure contentieuse relative aux ouvrages hydrauliques agricoles, aux installations classées pour la protection de l’environnement en matière d’élevage et aux autorisations environnementales).
[v] Le député Dominique Potier a réagi ainsi à cette annonce : « En changeant d’indicateur, le gouvernement renonce à l’objectif de réduction de 50 % des pesticides même s’il maintient le contraire. Il y a pire que de ne pas faire, c’est de faire semblant ». Par ailleurs, des chercheurs et soignants se sont déclarés hostiles à ce changement d’indice au nom des impératifs de santé publique, qui se traduit par une baisse de 32 % de l’utilisation des pesticides entre 2011 et 2021 alors qu’il y a eu une hausse de 3 % selon l’indice « nodu » ! 4 associations de défense de l’environnement ont donc déféré au Conseil d’Etat en novembre 2024 la nouvelle version du plan Ecophyto.
[vi] En réalité, l’histoire de ce texte est beaucoup plus mouvementée.
L’article 125 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a modifié en ce sens l’article L. 253-8 du Code rural et de la pêche maritime.
Puis l’article 83 de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (loi EGALIM) a confirmé cette interdiction en l’étendant aux substances similaires : « L’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives présentant des modes d’action identiques à ceux de la famille des néonicotinoïdes et des semences traitées avec ces produits est interdite. Un décret précise les modalités d’application du présent alinéa. » Cette interdiction s’est appliquée à compter du 1er septembre 2018, avec possibilités de dérogation par arrêté interministériel jusqu’au 1er juillet 2020.
Puis la loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières a autorisé la délivrance de dérogations à l’interdiction des néonicotinoïdes pour la culture de betteraves sucrière jusqu’au 1er juillet 2023. Des dérogations ont donc été accordées par arrêté au secteur de la betterave jusqu’en 2023.
Dans sa décision n° 2020-809 DC du 10 décembre 2020, le Conseil constitutionnel a validé cette loi en se fondant en particulier sur le fait que « les dispositions contestées ne permettent de déroger à l’interdiction d’utilisation des produits en cause qu’à titre transitoire, le temps que puissent être mises au point des solutions alternatives. Cette possibilité est ouverte exclusivement jusqu’au 1er juillet 2023. » (§ 21 et 24).
La proposition de loi n° 266 du 17 septembre 2024 déposée à l’Assemblée nationale visant à rendre définitive l’interdiction des néonicotinoïdes ainsi que la production, le transport et le stockage de pesticides non approuvés dans l’Union européenne retrace avec précision cet historique.
[vii] Un arrêt de la CJUE C‑162/21 du 19 janvier 2023, rendu sur une question préjudicielle du Conseil d’Etat belge, a interdit aux États membres de déroger aux interdictions de mise sur le marché et d’utilisation de semences traitées à l’aide de produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes. Son § 47 dispose que « À cet égard, il convient de rappeler que ces dispositions se fondent sur le principe de précaution, qui est l’un des fondements de la politique de protection d’un niveau élevé poursuivie par l’Union dans le domaine de l’environnement, conformément à l’article 191, paragraphe 2, premier alinéa, TFUE, afin d’éviter que des substances actives ou des produits mis sur le marché ne portent atteinte à la santé humaine et animale ou à l’environnement. », son § 48 que « En outre, force est de constater, ainsi qu’il est énoncé au considérant 24 du règlement no 1107/2009, que les dispositions régissant l’octroi des autorisations doivent garantir un niveau élevé de protection et que, lors de la délivrance d’autorisations pour des produits phytopharmaceutiques, l’objectif de protection de la santé humaine et animale ainsi que de l’environnement, en particulier, « devrait primer » l’objectif d’amélioration de la production végétale [voir, par analogie, arrêt du 5 mai 2022, R. en R. (Utilisation agricole d’un produit non autorisé), C‑189/21, EU:C:2022:360, points 42 et 43]. » et son § 49 que « Par conséquent, ainsi que le précise ce considérant, il devrait être démontré, avant leur mise sur le marché, non seulement que les produits phytopharmaceutiques présentent un intérêt manifeste pour la production végétale, mais que, en outre, ils n’ont pas d’effet nocif sur la santé humaine ou animale. » Et au § 54, la CJUE conclut que « Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première et deuxième questions que l’article 53, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009 doit être interprété en ce sens qu’il ne permet pas à un État membre d’autoriser la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques en vue du traitement de semences, ainsi que la mise sur le marché et l’utilisation de semences traitées à l’aide de ces produits, dès lors que la mise sur le marché et l’utilisation de semences traitées à l’aide de ces mêmes produits ont été expressément interdites par un règlement d’exécution. » En l’espèce, il s’agit du clothianidine et du thiaméthoxame qui sont des substances actives de la famille des néonicotinoïdes, utilisées en tant qu’insecticides dans l’agriculture, en vue de l’enrobage des semences (§ 19), qui ont été interdites par le règlement d’exécution (UE) no 485/2013 de la Commission du 24 mai 2013 puis par les règlements d’exécution 2018/784 et 2018/785 (§ 19). A la suite de cette décision, le Conseil d’Etat français a déclaré illégales les dérogations accordées par arrêté interministériel en 2021 et 2022 (CE, 3/8 CR, 3 mai 2023, association Agir pour l’environnement et autres, n° 450155 et s., § 6 à 8).

La proclamation de nouveaux droits par la charte de l’environnement

En Bref
L’incorporation, en 2005, d’une Charte de l’environnement à la Constitution française a instauré de nouveaux droits, devoirs ou principes, tels que :
  • Le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ;
  • Le devoir de prendre part à la préservation et amélioration de l’environnement ;
  • Le devoir de prévenir les atteintes à l’environnement ou d’en limiter les conséquences ;
  • Le principe de pollueur/payeur ;
  • Le principe de précaution ;
  • Le droit de participation à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement.
Le principe de non-régression, incorporé au Code de l’environnement par une loi de 2016, représente également une avancée environnementale majeure, bien que son absence de valeur constitutionnelle limite sa portée. Une intégration de ce dernier à la Charte de l’environnement aurait constitué une avancée environnement d’ampleur.

Texte complet
Une Charte de l’environnement[i] a été incorporée dans la constitution française en 2005[ii], dont l’article 1er du Préambule énonce que « Le peuple français proclame solennellement son attachement […] aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004 ». Cette Charte, qui, selon la Conseil constitutionnel, a valeur constitutionnelle lorsqu’elle crée des droits et obligations (décisions n° 2008-564 DC du 19 juin 2008 sur les OGM et n° 2014-394 QPC du 7 mai 2014), consacre aussi des principes qui n’ont pas de valeur juridique comme son article 6 selon lequel « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social » (décision n° 2012-283 QPC du 23 novembre 2012). Ultérieurement, le Conseil constitutionnel a néanmoins érigé cette protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains, en objectif de valeur constitutionnelle (décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020) puis a combiné celle-ci avec l’article 1er de cette Charte (Décision n° 2022-843 DC du 12 août 2022).
Parmi les articles de la Charte qui reconnaissent des droits et libertés dont la méconnaissance peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité figurent :
  • L’article 1er (droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé)[iii] ;
  • L’article 2 (devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement) ;
  • L’article 3 (devoir de prévenir les atteintes à l’environnement ou d’en limiter les conséquences ou principe de prévention) ;
  • L’article 4 (contribution à la réparation des dommages ou principe de pollueur/payeur)[iv] ;
  • L’article 7 (droit de participation à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ou principe d’information et de participation[v])[vi].
Les modalités de mise en œuvre de ces droits et libertés sont déterminées par le législateur[vii] et, dans le cadre défini par la loi, par les autorités administratives.
Très décrié à l’époque, le principe de précaution (art. 5 de la Charte de l’environnement) avait été introduit en droit français par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 (loi Barnier) sur le renforcement de la protection de l’environnement et ainsi défini : « le principe de précaution, selon lequel l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable; » (art. L.200-1 du Code rural). L’article 5 de la Charte de 2005 le redéfinit ainsi : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. » [viii].
Le principe de non-régression, introduit par la loi du 8 août 2016 sur la biodiversité à l’article L. 110-1 du Code de l’environnement[ix] dans les termes suivants « la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment », a également été critiqué. Dans sa décision n° 2020-809 DC du 10 décembre 2020 le Conseil constitutionnel a implicitement jugé que « Il ne résulte pas des dispositions de la Charte de l’environnement de 2004 un principe de non-régression en matière environnementale s’imposant au législateur. » (Sol. imp., § 13).
Le Conseil d’Etat a repris cette solution à son compte : « Le principe de non-régression […] s’impose au pouvoir réglementaire lorsqu’il détermine des règles relatives à l’environnement. Il n’est toutefois pas invocable lorsque le législateur a entendu en écarter l’application dans un domaine particulier ou lorsqu’il a institué un régime protecteur de l’environnement et confié au pouvoir réglementaire le soin de préciser les conditions de mise en œuvre de dérogations qu’il a lui-même prévues à ce régime. » (CE, 6/5 CR, 27 mars 2023, Association Réseau « Sortir du nucléaire », n° 463186, qui rejette également un moyen (i.e. un argument juridique ou de droit) tiré des articles 1 et 5 de la Charte relatif au principe de précaution[x]).

Notes
[i] Voulue par le président Jacques Chirac qui, dans un discours prononcé à Orléans le 3 mai 2001 (reproduit dans le n° spécial de la RJE 2003, La Charte constitutionnelle en débat, p. 77) affirmait « L’écologie, le droit à un environnement protégé et préservé doivent être considérés à l’égal des libertés publiques. Il revient à l’État d’en affirmer le principe et d’en assurer la garantie ».
[ii] Michel Prieur, Vers un droit de l’environnement renouvelé, Cahiers du Conseil constitutionnel n° 15 (Dossier : constitution et environnement), janvier 2004 et Promesses et réalisations de la Charte de l’environnement, Nouveaux Cahiers du Conseil Constitutionnel, n° 43 (Le Conseil Constitutionnel et l’environnement), Avril 2014. Voir aussi Yves Jégouzo, Quelques réflexions sur le projet de Charte de l’environnement, Cahiers du Conseil constitutionnel n° 15 (Dossier : constitution et environnement), janvier 2004 et Renaud Denoix de Saint Marc, Le Conseil constitutionnel et la Charte de l’environnement, Environnement et développement durable, n° 12, décembre 2012, dossier 24.
[iii] Le Conseil d’Etat s’est référé à cet article pour juger que ce droit constituait une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative (CE, 2/7 CR, 20 septembre 2022, n° 451129), permettant à des particuliers de saisir le juge des référés pour obtenir la suspension de travaux routiers.
[iv] A titre d’exemple, le Conseil d’Etat a admis l’invocabilité des articles 3 et 4 de la Charte à l’encontre d’un acte réglementaire qui ne se bornait pas à l’application d’une loi mais comportait des mesures réglementaires autonomes, auquel cas il lui appartient « au vu de l’argumentation dont il est saisi, de vérifier si les mesures prises pour l’application de la loi, dans la mesure où elles ne se bornent pas à en tirer les conséquences nécessaires, n’ont pas elles-mêmes méconnu ce principe », alors que normalement le contrôle de la conformité de la loi à la Charte de l’environnement ne peut s’opérer que par le biais de la procédure prévue à l’article 61-1 de la Constitution  (CE, Ass., 12 juillet 2013, Fédération nationale de la pêche, n° 344522).
[v] Cet article a débouché sur la loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement, qui a modifié le Code de l’environnement, et sur l’ordonnance n° 2013-714 du 5 août 2013 relative à la mise en œuvre de ce principe.
[vi] Cet article reprend en substance le contenu de la convention d’Aarhus sur le droit à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, ratifiée par la France le 28 février 2002, et dont l’article 1er reconnaît le droit de chacun de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être. La Cour européenne des droits de l’homme l’a également reconnu ultérieurement (CEDH, 30 mars 2010, Bacila c/ Roumanie, n° 19234/04).
[vii] Pour le droit à l‘eau, voir par exemple l’article L.210-1 du Code de l’environnement, issu de l’article 1er de la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques (Frédéric Tiberghien, Le Conseil d’Etat, le raccordement aux réseaux et la tarification de l’eau, p 445-446, in Henri Smets, Le droit à l’eau potable et à l’assainissement en Europe, éditions Johanet, 2012).
[viii] Sur la portée de ce principe, voir Renaud Denoix de Saint Marc, Le principe de précaution devant le Conseil constitutionnel, Communication à l’Académie nationale de médecine, Séance du 25 novembre 2014. Et le Conseil d’État a jugé pour sa part que cet article 5, qui n’appelait pas de dispositions législatives ou réglementaires en précisant les modalités de mise en œuvre, s’imposait aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leurs domaines de compétence respectifs et était applicable en matière d’urbanisme et de délivrance de permis de construire (CE, 19 juillet 2010, Association du quartier les hauts de Choiseul, n° 328687).
[ix] Voir à ce sujet la décision n° 2016-1637 DC du 4 août 2016, § 7 à 15 qui écarte un grief tiré de l’atteinte à la « liberté de légiférer » du législateur.
[x] Voir auparavant sur l’application du principe de non régression CE, 6/1 CR, 8 décembre 2017, n°404391.

L’apport des décisions du Conseil constitutionnel des 20 mars 2025 sur la loi d’orientation agricole et 7 août 2025 sur la loi Duplomb

En Bref
Les décisions rendues par le Conseil constitutionnel sur la loi d’orientation agricole (2025-876 DC) et la loi Duplomb (2025-891 DC) rappellent que le principe de non-régression du Code de l’environnement ne lie pas le législateur, mais uniquement le pouvoir réglementaire, et valident donc les modifications des nomenclatures IOTA et ICPE. En revanche, le Conseil, d’une part en raison du principe séparation des pouvoirs, d’autre part au titre des articles 1er et 3 de la Charte de l’environnement, censure l’incorporation du principe de non-régression, étendu à la souveraineté alimentaire par le Code rural, en raison de sa portée contraignante voulue par le législateur.
Le Conseil rappelle également que la reconnaissance d’un caractère d’intérêt général majeur à l’agriculture ne saurait dispenser de fait les projets agricoles des exigences de l’article 1er de la Charte de l’environnement, tout comme il ne saurait être accordé aux agriculteurs des présomptions d’absence d’intention inconditionnelles (applicables au délit d’atteinte aux espèces protégées, à leurs habitats naturels ou à des sites d’intérêt géologique). Le Conseil censure également les dispositions législatives déléguant la définition du champ d’application de la loi pénale à l’autorité administrative, obligation qui lui incombe.
Le Conseil censure aussi la méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs par le législateur lorsqu’il interdit au pouvoir réglementaire de surtransposer les normes agricoles européennes.
Enfin, le Conseil censure les dispositions portant sur la réintroduction des néonicotinoïdes car elles privent de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé (article 1er de la Charte de l’environnement).

Texte complet
Si les décisions n° 2025-876 DC du 20 mars 2025 (relative à la loi d’orientation agricole) et n° 2025-891 DC du 7 août 2025 (relative à la loi Duplomb) présentent plusieurs points communs, elles comportent également des apports particuliers. Elles conduisent aussi à en tirer plusieurs enseignements.
 
A.      Leurs points communs

          1. A propos de la Charte de l’environnement

Au sujet des articles 1er et 3 de la Charte de l’environnement et du principe de non-régression prévu à l’article L.110-1 du Code de l’environnement.
La première décision (n° 2025-876 DC, § 118 à 124) concerne l’application de ces articles à la modification des seuils de la nomenclature, établie par décret en Conseil d’État, des installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) ayant des incidences sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques et soumises à autorisation ou à déclaration, suivant les dangers qu’ils présentent et la gravité de leurs effets (art. 45 de la loi Duplomb). Pour écarter le grief relatif au principe de non-régression, le Conseil constate que les dispositions de la loi ne modifient pas les règles et prescriptions auxquelles sont soumises ces installations selon le régime dont elles relèvent et prévoient la faculté d’imposer des mesures compensatoires en cas d’atteinte grave à des intérêts environnementaux ou de refuser l’opération si les mesures compensatoires s’avèrent insuffisantes. Ces dispositions ont donc été validées par le Conseil constitutionnel.
La seconde décision (n° 2025-891 DC, § 113 à 122) concerne l’application de ces mêmes articles à la modification de la nomenclature, établie par décret en Conseil d’État, des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) relevant des élevages bovins, porcins et avicoles et soumises, selon les cas, à une procédure administrative de déclaration, d’enregistrement ou d’autorisation (art. 3 III). Pour écarter le grief relatif au principe de non-régression, le Conseil constitutionnel prend acte de ce que les dispositions contestées prévoient que le principe de non‑régression environnementale ne s’oppose pas, en ce qui concerne ces élevages, au relèvement des seuils de cette nomenclature et constate de même que les dispositions de la loi ne modifient pas les règles et prescriptions auxquelles sont soumises ces installations selon le régime dont elles relèvent. Ces dispositions sont donc validées.
La première décision aborde une seconde fois le principe de non régression (art. 2 de la loi d’orientation agricole, § 35 à 40). Il s’agit dans ce cas de transposer dans le Code rural le principe de non-régression en l’étendant à la souveraineté alimentaire, qui ne pourrait faire l’objet que d’une amélioration constante. En harmonie avec sa jurisprudence antérieure et celle du Conseil d’Etat, le Conseil constitutionnel relève d’abord que selon les travaux préparatoires à la loi déférée « le principe de non-régression institué par les dispositions contestées, qui n’a pas vocation à lier le législateur, s’impose au pouvoir réglementaire. » Mais il relève en sens inverse que l’application de ce principe  de non-régression appliquée à la souveraineté alimentaire sera subordonnée à une évaluation « systématique de l’effet des politiques publiques ou des textes réglementaires par référence au « potentiel agricole de la Nation » (§37), ce qui méconnaît l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, et qu’il s’appliquera en toutes matières et s’imposera à tout texte réglementaire du seul fait que ce dernier pourrait avoir une « incidence » sur l’agriculture et la pêche, de sorte que ces dispositions «sont susceptibles de faire obstacle à l’exercice de la compétence du pouvoir réglementaire dans le domaine que lui reconnaît le premier alinéa de l’article 37 de la Constitution. » et sont donc contraires au principe de la séparation des pouvoirs.
La première décision applique aussi les articles 1er et 3 de la Charte de l’environnement à la disposition (art. 48 de la loi et § 128 à 137) excluant les piscicultures du régime d’autorisation ou de déclaration des IOTA et, pour celles soumises à enregistrement, à la disposition prévoyant « que cette déclaration « vaut application des articles L. 214-3 à L. 214-6 », quels que soient leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques ». Or, « Eu égard aux effets des piscicultures sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques, ces dispositions sont susceptibles de porter atteinte à l’environnement. » (§ 133) et si le législateur a entendu développer des activités piscicoles en vue de contribuer à l’objectif de souveraineté alimentaire, d’une part les piscicultures ne relèvent pas nécessairement du régime des installations classées prévu par l’article L. 512-8 du Code de l’environnement qui permet à l’autorité administrative d’imposer des prescriptions visant à prévenir certaines atteintes à l’environnement, d’autre part, seul le régime prévu à l’article L. 214-3 du même Code a pour objet de prévenir en particulier les atteintes à la ressource en eau et aux écosystèmes aquatiques. Dès lors, « en permettant que certaines piscicultures ne soient soumises à aucun régime de protection des atteintes à l’environnement aquatique, le législateur a privé de garanties légales les exigences constitutionnelles découlant des articles 1er et 3 de la Charte de l’environnement. » (§ 136), ce qui a conduit le Conseil à censurer ces dispositions.

          2. A propos de la notion d’intérêt général majeur

Comme le relève le § 4 de la décision n° 2025-876 DC du 20 mars 2025, la disposition de la loi d’orientation agricole reconnaissant à l’agriculture un caractère « d’intérêt général majeur » avait pour objectif de faire bénéficier les projets présentant un caractère d’« intérêt général majeur » pour la protection, la valorisation et le développement de l’agriculture et de la pêche de dérogations à certaines dispositions législatives ou réglementaires protectrices de l’environnement, en particulier à la directive Habitats 92/43/CEE du 21 mai 1992 et à l’article L.411-2 du Code de l’environnement qui en a assuré la transposition sur ce point. Pour écarter le moyen tiré du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé garanti par l’article 1er de la Charte de l’environnement et de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement, le Conseil qualifie la disposition attaquée (art. L.1 A du Code rural) de mesure programmatique relevant d’une loi de programmation (§ 7 et 9), et non d’une loi ordinaire, dans la mesure où elle se borne à fixer comme objectif à l’action de l’État de protéger, valoriser et développer l’agriculture et la pêche, eu égard à leur importance pour la souveraineté alimentaire de la Nation, et juge que les « objectifs assignés par la loi à l’action de l’État ne sauraient contrevenir aux exigences de l’article 1er de la Charte de l’environnement. » Cette interprétation neutralisante de la portée de la loi pour en retirer le venin permet au Conseil d’ôter toute valeur juridique à cette disposition qui entendait légaliser par avance des projets contestés ou contestables au plan environnemental.
La décision n° 2025-891 DC du 7 août 2025 apprécie également la conformité à la constitution d’un nouvel article L. 211-1-2 du Code de l’environnement prévoyant que certains ouvrages de stockage d’eau et les prélèvements sur les eaux associés sont présumés d’intérêt général majeur (§ 131) et d’un nouvel article L. 411-2-2 au sein du même Code prévoyant que ces mêmes ouvrages et prélèvements sont présumés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur de nature à justifier la délivrance d’une dérogation aux interdictions de porter atteinte à des espèces protégées ainsi qu’à leurs habitats (art. 5 de la loi Duplomb et § 123 de la décision du Conseil constitutionnel).
Plus clairement que dans sa décision du 20 mars 2025, le Conseil résume les dispositions de l’article L.411-2 du Code de l’environnement de la manière suivante (§ 132) « En application du c du 4 ° du paragraphe I de l’article L. 411-2 du même Code, des dérogations à ces interdictions peuvent être délivrées, sous certaines conditions, dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impérieuses d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique. » Le Conseil relève ensuite que ces articles sont susceptibles de porter atteinte à l’environnement (§ 133) mais que le législateur poursuit un motif d’intérêt général (§ 134), que la présomption ne joue que pour les ouvrages situés dans des zones affectées d’un déficit quantitatif pérenne d’eau compromettant le potentiel de production (§ 135) et inscrits dans « une démarche territoriale concertée » sur la répartition de la ressource en eau entre l’ensemble des usagers, qu’ils s’accompagnent d’un « engagement des usagers dans des pratiques sobres en eau » et qu’ils concourent à un accès à l’eau pour tous les usagers (§ 136). Toutefois, pour valider la conformité du texte à la constitution, le Conseil formule trois réserves d’interprétation qui en restreignent considérablement la portée :
  • En premier lieu, « si les dispositions contestées s’appliquent à des prélèvements sur les eaux souterraines, elles ne sauraient, sans méconnaître le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, être interprétées comme permettant la réalisation de tels prélèvements au sein de nappes inertielles. » (§ 137) ;
  • En deuxième lieu, « sauf à méconnaître ces mêmes exigences, les présomptions instituées par ces dispositions ne sauraient être regardées comme revêtant un caractère irréfragable faisant obstacle à la contestation de l’intérêt général majeur ou de la raison impérative d’intérêt public majeur du projet d’ouvrage concerné. » (§ 138). Cette réserve a pour objet de préserver les prérogatives du juge administratif que le législateur entendait limiter en lui imposant une obligation de dérogation pour certains ouvrages, sans contestation possible de l’intérêt général majeur attaché au projet ;
  • En troisième lieu, « la présomption instituée par les dispositions contestées ne dispense pas les projets d’ouvrages de stockage d’eau et de prélèvements associés auxquels elle s’appliquera du respect des autres conditions prévues pour la délivrance d’une dérogation aux interdictions prévues par l’article L. 411-1 du Code de l’environnement. À cet égard, l’autorité administrative compétente s’assure, sous le contrôle du juge, qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. » (§ 139). Cette autre réserve ménage également les prérogatives de l’administration, sous le contrôle du juge, en rappelant notamment que le maintien des populations des espèces concernées s’apprécie non pas dans la seule surface concernée par le projet de stockage mais dans leur aire de répartition naturelle.
B.      Leurs apports particuliers

La décision n° 2025-876 DC du 20 mars 2025 rappelle ce que le législateur doit inclure dans la loi lorsqu’il institue dans le Code de l’environnement, pour protéger les agriculteurs d’éventuelles poursuites pénales, des présomptions d’absence d’intention applicables au délit d’atteinte aux espèces protégées, à leurs habitats naturels ou à des sites d’intérêt géologique (art. 31 de la loi, § 56 à 65). Le Conseil retient deux critiques pour invalider cette disposition :
  • D’une part, « […] si le législateur a institué une présomption simple qui peut être renversée, il n’a pas déterminé la nature de l’obligation légale ou réglementaire dont l’exécution permet à l’intéressé de bénéficier d’une telle présomption ni précisé le lien qui doit être établi entre cette obligation et les faits reprochés. » (§ 63) ;
  • D’autre part, « en se bornant à prévoir que cette présomption s’appliquerait également lorsque les faits répondent à une prescription prévue par une autorisation administrative, sans autre précision, le législateur a fait dépendre le champ d’application de la loi pénale d’une décision administrative. » (§ 64), de sorte que les dispositions contestées méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l’article 8 de la Déclaration de 1789 et qui oblige le législateur à fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire (§ 60).
La décision n° 2025-876 DC du 20 mars 2025 fixe aussi les limites que peut imposer le législateur au pouvoir réglementaire en matière de transposition des textes européens en droit national (art. L.1 A du Code rural et § 13).
La disposition attaquée prévoyait que les normes réglementaires en matière d’agriculture ne peuvent aller au‑delà des exigences minimales des normes européennes, sauf lorsqu’elles sont spécialement motivées et évaluées avant leur adoption et qu’elles ne sont pas susceptibles d’engendrer une situation de concurrence déloyale. Protecteur du principe de séparation des pouvoirs prévue par l’article 16 de la Déclaration de 1789, le Conseil constitutionnel juge que « En interdisant par principe au pouvoir réglementaire d’adopter, dans le domaine de l’agriculture, des dispositions dépassant les exigences de transposition ou d’adaptation résultant d’une directive ou d’un règlement de l’Union européenne, les dispositions contestées sont susceptibles de faire obstacle à l’exercice de sa compétence dans le domaine que lui reconnaît le premier alinéa de l’article 37 de la Constitution. Elles méconnaissent donc le principe de la séparation des pouvoirs. »
Quant à la décision n° 2025-891 DC du 7 août 2025, elle censure le paragraphe II ter au sein de l’article L. 253-8 du Code rural et de la pêche maritime que l’article 2 3° d) de la loi déférée (loi Duplomb) entendait insérer dans le Code rural afin de permettre, sous certaines conditions, la possibilité de déroger par décret à l’interdiction d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes ou autres substances assimilées, ainsi que des semences traitées avec ces produits (§ 68 ; et note 6 sur l’historique de cette disposition).
Après avoir rappelé la faculté que possède le législateur de modifier les lois existantes dans le respect des articles 1 et 2 de la Charte de l’environnement (§ 73 et 74), le Conseil cite la disposition législative qui interdit cet usage (§ 75) avant de constater, à la lueur des travaux préparatoires à la loi, que la faculté de dérogation par décret à cette interdiction répond à un motif d’intérêt général (§ 77) et est subordonnée à plusieurs conditions (§ 78), dont celle de l’approbation préalable des produits en cause en application du règlement européen du 21 octobre 2009, notamment de son article 53 relatif aux facultés de dérogation (cf. note 7). Le Conseil constitutionnel annule néanmoins la disposition litigieuse, en retenant 4 motifs de droit :
  • En premier lieu, « les produits en cause ont des incidences sur la biodiversité, en particulier pour les insectes pollinisateurs et les oiseaux, ainsi que des conséquences sur la qualité de l’eau et des sols et induisent des risques pour la santé humaine. » (§ 79). Ce § 79 reprend textuellement le § 19 de la décision n° 2020-809 DC du 10 décembre 2020 ;
  • En deuxième lieu, « les dispositions contestées permettent d’accorder une dérogation à l’interdiction d’utilisation de ces produits pour toutes les filières agricoles, sans les limiter à celles pour lesquelles le législateur aurait identifié une menace particulière dont la gravité compromettrait la production agricole. » (§ 80)[i];
  • En troisième lieu, « ces dispositions se bornent à prévoir que le conseil de surveillance rend un avis public au terme d’une période de trois ans puis chaque année sur le point de savoir si les conditions de la dérogation demeurent réunies et qu’il doit y être mis fin lorsque l’une de ces conditions n’est plus remplie. Ce faisant, elles n’imposent pas que la dérogation soit accordée, à titre transitoire, pour une période déterminée. » (§ 81) ;
  • En quatrième lieu, « une telle dérogation peut être décidée pour tous types d’usage et de traitement, y compris ceux qui, recourant à la pulvérisation, présentent des risques élevés de dispersion des substances. » (§ 82).
En conséquence, « le législateur, en permettant de déroger dans de telles conditions à l’interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes ou autres substances assimilées, a privé de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé garanti par l’article 1er de la Charte de l’environnement. » (§ 83).

Notes
[i] Par contraste, la décision n° 2020-809 DC du 10 décembre 2020 avait relevé au § 20 que « le législateur a cantonné l’application de ces dispositions au traitement des betteraves sucrières, ainsi que le prévoit l’article L. 253-8-3 du Code rural et de la pêche maritime introduit par l’article 2 de la loi déférée. Il résulte des travaux préparatoires que le législateur a, ainsi, entendu faire face aux graves dangers qui menacent la culture de ces plantes, en raison d’infestations massives de pucerons vecteurs de maladies virales, et préserver en conséquence les entreprises agricoles et industrielles de ce secteur et leurs capacités de production. Il a, ce faisant, poursuivi un motif d’intérêt général. »

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de ces deux décisions et sur la période particulière que traverse notre pays

En Bref
Par ses décisions n° 2025-876 DC (loi d’orientation agricole) et n° 2025-891 DC (loi Duplomb), le Conseil constitutionnel, notamment en donnant une valeur contraignante aux articles 1er, 2 et 3 de la Charte de l’environnement, continue à s’inscrire en gardien de l’environnement face aux entorses croissantes à l’état de droit émanant des pouvoirs législatif et réglementaire.
En revanche, en rappelant que son pouvoir général d’appréciation et de décision n’est pas de même nature que celui du Parlement, et au vu de ces deux décisions, la position du Conseil n’offre aucune garantie contre d’autres offensives contre l’environnement. Une protection de l’environnement et de la santé humaine plus radicale aurait pu être atteinte si le Conseil s’était référé, au § 78 de sa décision du 7 août 2025, à l’arrêt de la CJUE de 2023 (interdiction de dérogation au règlement européen de 2009), ce qu’il a malheureusement omis de faire.

Texte normal
Conformément à sa vocation, le Conseil constitutionnel :
  • Protège le pouvoir réglementaire (ICPE et IOTA) et la juridiction administrative (notion d’intérêt général majeur) contre les empiètements indus du législateur, par exemple en matière de transposition des textes européens ou de dérogation à la protection des espèces protégées ;
  • Limite parallèlement les prérogatives du pouvoir réglementaire en censurant les délégations de pouvoir par le législateur qui lui permettraient d’affaiblir les conditions de fond de la protection environnementale ;
  • Requalifie une disposition voulue contraignante par le législateur en simple objectif de politique publique (relevant d’une loi de programmation), dépourvu de tout effet juridique (notion d’intérêt public majeur) ;
  • Veille à ce que la loi pénale respecte la légalité des délits et des peines, y compris lorsqu’elle cherche à alléger les sanctions encourues par les agriculteurs en créant une présomption d’absence d’intention applicable au délit d’atteinte aux espèces protégées ;
  • Donne, au fil de ses décisions, une valeur contraignante aux principaux articles de la Charte de l’environnement (art. 1er, 2 et 3 notamment), par exemple pour empêcher de soustraire certaines piscicultures à toute contrainte environnementale ou réautoriser l’usage des néonicotinoïdes;
  • Censure les cavaliers législatifs de plus en plus nombreux du fait de la faiblesse du gouvernement par rapport à une Assemblée nationale sans majorité claire et cohérente, ouvrant la porte à la convergence improbable de coalitions d’intérêts inédites.
Si le Conseil constitutionnel semble ainsi s’ériger en gardien de l’environnement lorsqu’il s’appuie sur la Charte de l’environnement, au moment où le gouvernement et le parlement se rejoignent pour y faire des entorses sous l’influence de certains lobbies ou partis politiques, sa décision du 7 août 2025 sur la réautorisation des néonicotinoïdes n’interdit pas au Parlement de se ressaisir de la question pour remédier aux griefs qu’il a retenus.
La FNSEA ne s’y est d’ailleurs pas trompée et a immédiatement réclamé que les points censurés soient rapidement repris dans un prochain texte.
Une annulation plus franche et définitive fondée sur les incidences de ces produits sur la biodiversité, en particulier pour les insectes pollinisateurs et les oiseaux, et sur leurs conséquences sur la qualité de l’eau et des sols, induisant des risques pour la santé humaine (§ 79), aurait été bienvenue mais, s’agissant d’une interdiction décidée en 2016 par le législateur et sur laquelle il a beaucoup tergiversé (cf. note 6), le Conseil rappelle qu’il ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement.
On doit surtout profondément regretter que le Conseil constitutionnel ait omis de citer au § 78 de sa décision du 7 août 2025 l’arrêt de la CJUE de 2023 qui interdit désormais aux Etats membres de déroger au règlement européen de 2009 sur le fondement de son article 53 (cf. note 7) dès lors que des règlements d’exécution ont interdit l’utilisation de certaines substances. Cependant les spécialistes souligneront que le Conseil n’est pas juge de la conformité des lois et règlements au droit européen. On rappellera toutefois qu’il avait déjà répondu au fond sur un grief analogue dans sa décision n° 2020-809 DC du 10 décembre 2020 sur le même sujet, en appliquant un contrôle d’absence d’incompatibilité manifeste[i]. Car la prise en compte de cet arrêt de la CJUE qui a sensiblement modifié la donne européenne aurait pu, ou logiquement dû, conduire le Conseil constitutionnel à adopter en août 2025 une solution inverse à celle de 2020 et beaucoup plus claire pour tous les intérêts en présence.
Comme trop souvent, des mesures environnementales à fort impact sont décidées en cercle fermé, sans consultation du public, alors que la Déclaration de Rio de juin 1992 (qui n’étant pas un accord international n’a pas de valeur contraignante) énonce, parmi ses 27 principes, celui de la participation, au niveau national, des citoyens au processus de décision et consacre à cet effet le droit d’accès de chacun aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques.
Sur un sujet aussi controversé que celui de la réautorisation des néonicotinoïdes, la consultation ne peut en effet pas se limiter à celle des syndicats agricoles, dont la Confédération générale des planteurs de betteraves et le Syndicat national des fabricants de sucre, ou de l’ANSES mais doit s’ouvrir à toute la population intéressée.
Le succès inattendu de la pétition lancée sur les réseaux sociaux pour demander l’abrogation de la loi Duplomb, qui a recueilli plus de 2 millions de signatures en quelques jours, le confirme, de même que l’avis du 30 juillet 2025 de l’Ordre national des médecins sur cette loi selon lequel  « la compétitivité agricole et les distorsions de concurrence au sein de l’Union européenne ne doivent pas servir d’arguments pour relâcher notre vigilance en matière de protection de la biodiversité et de la santé humaine« .
Les chercheurs ont également leur mot à dire puisque les données en la matière restent encore lacunaires, aussi bien au plan national qu’européen.
Pour s’en convaincre, il suffit de se référer à la décision récente du 5 juin 2025 (3/8 CR, syndicat professionnel Phyteis, n° 488338) par laquelle le Conseil d’Etat a rejeté le recours de ce syndicat tendant à l’annulation de la décision implicite par laquelle la Première ministre avait rejeté sa demande du 28 juin 2023 tendant à l’abrogation des dispositions du décret n° 2020-1601 du 16 décembre 2020 fixant la liste des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances interdites en application de l’article L. 253-8 du Code rural.
Dans son § 15 consacré à l’acétamipride, il est mentionné que « le syndicat requérant se prévaut également d’un avis rendu par l’EFSA le 24 janvier 2022, faisant état de l’absence de preuve concluante d’une augmentation des risques causés par cette substance en ce qui concerne la santé humaine et l’environnement, par rapport à l’évaluation ayant conduit au renouvellement de l’approbation en 2018. Toutefois, il résulte des termes mêmes de cet avis qu’il relève également que la possibilité d’une sensibilité  » inter-espèces  » élevée des oiseaux et des abeilles à l’acétamipride pourrait nécessiter un examen plus approfondi et recommande l’étude de la sensibilité potentiellement plus élevée de la Megachile rotundata à cette substance par rapport à d’autres espèces d’abeilles. De plus, il ressort des pièces du dossier que, sur la base d’études scientifiques faisant état de la présence de métabolites de cette substance dans le liquide cérébrospinal de la grande majorité d’une cohorte d’enfants soignés pour un cancer lymphoïde, la Commission européenne a délivré un nouveau mandat à l’EFSA, le 29 juillet 2022, pour une assistance scientifique et technique sur le fondement de l’article 31 du règlement, et qu’il résulte de l’avis adopté par cette autorité le 15 mai 2024 que l’acétamipride est responsable d’effets moléculaires et cellulaires pouvant conduire à des effets néfastes au niveau de l’organisme et constitue dès lors une préoccupation de neurotoxicité développementale, de sorte que l’EFSA recommande de réduire la dose journalière admissible de 0,025 à 0,005 mg/kg de poids corporel et la limite maximale de résidus pour trente-huit produits agricoles pour lesquels un risque pour le consommateur a été identifié et souligne la nécessité de données supplémentaires pour aboutir à une évaluation appropriée des dangers et risques. »
Les éléments avancés par le syndicat requérant ne suffisant pas pour réfuter les études scientifiques sur lesquelles les autorités françaises se sont appuyées en décembre 2020, ni pour écarter les risques ainsi caractérisés en ce qui concerne ces trois substances, dont l’acétamipride, le Conseil d’Etat a rejeté son recours.
Les commentateurs avisés relèveront que les décisions du Conseil d’Etat du 5 juin 2025 et du Conseil constitutionnel du 7 août 2025 sont convergentes, les deux cours suprêmes veillant traditionnellement à prévenir les contradictions de jurisprudence.
Si la loi Duplomb a été promulguée par le Président de la République, sans les articles annulés par le Conseil constitutionnel, le 12 août 2025, elle reste controversée : certains parlementaires veulent reprendre les dispositions annulées en resserrant les conditions de la dérogation pour répondre aux exigences posées par le Conseil constitutionnel, d’autres veulent obtenir l’annulation totale de cette loi au vu de la mobilisation citoyenne qu’elle a provoquée. L’affaire n’est donc pas définitivement close.

Notes
[i] « Par ailleurs, loin de contrevenir aux dispositions du règlement européen du 21 octobre 2009, le renvoi aux conditions prévues à l’article 53 dudit règlement pour prévoir les dérogations mentionnées ci-dessus à l’interdiction d’emploi de certains produits phytopharmaceutiques vise à en assurer le respect. Le grief tiré de la méconnaissance de l’article 88-1 de la Constitution doit donc être écarté. » (§ 25).

Remarques finales sur la période que traverse notre pays

Il est surprenant de constater que des parlementaires, supposés la respecter, méconnaissent délibérément la constitution en votant des lois qui lui sont contraires pour satisfaire des revendications professionnelles catégorielles ou de caractère populiste, en déniant toute valeur de preuve aux études existantes sur les effets des produits phytosanitaires sur la santé animale ou humaine. Par leur mauvais exemple, ils contribuent sans aucun doute à la dérive de notre démocratie.
Depuis plusieurs décennies, la mobilisation de la loi a régulièrement permis de rehausser le niveau d’exigence en matière de protection à long terme de l’environnement. La France appartenant au cercle restreint des pays qui ont participé à l’industrialisation dès le XIXème siècle, il est normal que sa législation soit plus exigeante en la matière, comme l’impliquent les 7ème et 11ème principes de la Déclaration de Rio de juin 1992 sur les responsabilités différenciées et sur la promulgation de mesures législatives efficaces en matière d’environnement, et interdise par exemple d’ouvrir de nouveaux gisements pour produire en France des énergies fossiles ou d’utiliser certains produits phytosanitaires.
Dans ces domaines, la prévisibilité et la stabilité de la norme sont essentiels pour les agents économiques et les ménages. Les à-coups et les retours en arrière sont donc à proscrire, au risque de faire perdre aux mesures environnementales leur lisibilité et acceptabilité.
Malheureusement, depuis 2 ou 3 ans, notre pays est engagé dans un cycle sans précédent de recul environnemental que les pouvoirs publics encouragent plutôt que de le freiner.
La réponse à cette problématique réside dans la transition juste, alliant approche environnementale et sociale, et dans une pleine application du principe de participation du public en amont des décisions pour vérifier ex ante leur acceptabilité et élaborer les nécessaires mesures d’accompagnement.

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Article publié - N°5 - Publié le 9 juillet 2025

Synthèse

Alors que la canicule s’installe comme une réalité durable, Alexandre Florentin, conseiller de Paris au groupe écologiste, alerte sur l’impréparation collective face aux effets du changement climatique. Il dénonce un certain déni, notamment budgétaire qui continue de prévaloir, permettant de reléguer les impératifs climatiques au second plan. Face à une crise systémique, Alexandre Florentin plaide pour une approche territorialisée, fondée sur l’anticipation et la justice sociale : témoignage.