Biodiversité
La face cachée de la nature
Publié le 10 mars 2016
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Article de l’Oeil - N°9
Un cancer et un jardin dans la banlieue de Seattle ont entraîné David R. Montgomery et Anne Biklé à la découverte du monde bactérien : la partie invisible de la nature. Après des années de lecture, d’observation et d’expérimentation, le professeur de géomorphologie et la biologiste ont publié The Hidden Half of Nature1 en novembre 2015. Ils y exposent un panorama historique des recherches scientifiques ayant structuré la perception humaine de la vie microbienne. Destiné à un large public, cet ouvrage en tire les conséquences et formule un plaidoyer pour une meilleure prise en compte de ces organismes invisibles, clé de voûte de la vie sur la planète.
Les microbes sont les organismes les plus divers, abondants, prospères, adaptables et résistants de la planète. Ils sont absolument partout, des volcans aux fonds sous-marins, des jardins aux intestins (microbiome). Au travers de leur impact sur les cycles des constituants des êtres vivants, ils conditionnent les autres formes de vie, entre autres humaine. Une prise de conscience de ces minuscules intermédiaires à l’impact immense induit une complète remise en question de notre perception de la nature. A l’aune des connaissances du monde microscopique, repenser les fondements des pratiques agricoles et médicales devient une nécessité.
#1 Le monde microbien et ses multiples rôles sont largement inconnus du grand public. Optimiser ses interactions bénéfiques avec les êtres humains passera nécessairement par une étude approfondie et une diffusion large de ses caractéristiques. Historiquement, l’étude des micro-organismes fut tributaire d’obstacles de nature pratique (trop petits pour être reconnus et étudiés) et technique (puissance des instruments tels que le microscope). L’ouvrage se fait l’avocat du développement de l’écologie microbienne2, dont le potentiel est hautement prometteur pour tous les domaines auxquels elle touche : agriculture et médecine, mais aussi biotechnologie et biogéochimie.
#2 La science emprunte parfois des itinéraires desquels il est difficile de s’extraire une fois engagé. La théorie microbienne et son « dogme » ne font pas exception3. Elle a fait progresser considérablement la médecine, en démontrant le rôle de micro-organismes dans le développement de maladies et en menant à l’élaboration des antibiotiques. Cependant elle a entraîné une perception négative du monde bactérien, peuplé d’ennemis à combattre et éliminer. Cette vision manichéenne passe sous silence la diversité de l’impact des microbes sur d’autres organismes4. Beaucoup sont indispensables à la biodiversité : les champignons mycorhiziens par exemple colonisent les racines ; ils constituent ainsi un intermédiaire entre les nutriments des sols et les plantes, ce qui conforte chez ces dernières leur santé et leur capacité à se protéger.
#3 Pour préserver la santé, cultivez vos alliés : telle devrait être selon les auteurs la voie à suivre quant au monde microbien. Les pratiques actuelles, notamment agricoles et médicales, sont insoutenables : elles génèrent une dépendance à des solutions dont l’efficacité s’estompe dans la durée et favorisent le court-terme au détriment du long terme. L’usage (massif) d’antibiotiques et de pesticides revient en effet à détruire indistinctement, tuant nos alliés microbiens dans la lutte contre un nuisible, accélérant ainsi le retour de ce dernier. D’autant que leur usage intense ces dernières décennies accroît de manière inquiétante les résistances bactériennes à ces traitements2. A l’heure de l’urgence écologique, le monde microbien représente un vivier d’espoirs et une source d’apprentissage pour appréhender différemment les écosystèmes.
1 David R. Montgomery, Anne Biklé, The hidden half of Nature – The microbial roots of life and health, Norton, 2015.
2 L’étude de la place et des rôles des micro-organismes, et de leurs interactions – entre eux et avec leurs milieux. Voir notamment l’ouvrage de référence Ecologie microbienne, microbiologie des milieux naturels anthropisés, de Jean-Claude Bertrand, Pierre Caumette, Philippe Lebaron, Robert Matheron et Philippe Normand.
3 Avec l’influence notable des travaux de Pasteur et Koch.
4 Symbiose, commensalisme, antagonisme, synergie…
5 Les pouvoirs publics se sont saisis de la question, voir notamment le rapport du Dr Jean Carlet et Pierre Le Coz missionnés par la ministre Marisol Touraine : Tous ensemble, sauvons les antibiotiques. A noter que leur approche est d’intégrer les idées fortes de The hidden half of Nature.
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