09

octobre

2023

Les ateliers co-écologiques

Évènement passé

Réussir la transition écologique par l’approche paysagère

Les intervenants

Jean-Pierre Thibault

Porte-parole du groupe de travail et président du collectif Paysages de l'après pétrole (PAP)

Bertrand Folléa

Porte-parole du groupe de travail, cofondateur et cogérant de l'agence Folléa-Gautier paysagistes urbanistes

Magali Reghezza-Zitt

Géographe et maîtresse de conférence à l'École normale supérieure

Baptiste Perrissin-Fabert

Ingénieur du corps des Ponts, des Eaux et des Forêts, docteur en économie et directeur exécutif de l'expertise et des programmes au sein de l'ADEME

Géraud Guibert

Président de La Fabrique Ecologique

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A l’occasion de la publication de sa note “Réussir la transition écologique par l’approche paysagère”, La Fabrique Ecologique a organisé son 53è Atelier Co-Ecologique le 9 octobre 2023 à la Mairie du 9è arrondissement parisien. L’échange a débuté par la présentation des conclusions de la note par les porte-paroles du groupe de travail qui sont Jean-Pierre Thibault, président du collectif Paysages de l’après pétrole (PAP), et Bertrand Folléa, cofondateur et cogérant de l’agence Folléa-Gautier paysagistes urbanistes. Cet Atelier Co-Ecologique avait comme Grands Témoins Magali Reghezza-Zitt, géographe et maîtresse de conférence à l’École normale supérieure et Baptiste Perrissin-Fabert, ingénieur du corps des Ponts, des Eaux et des Forêts, docteur en économie et directeur exécutif de l’expertise et des programmes au sein de l’ADEME. 
 
Dans l’imaginaire commun, la transition écologique semble incompatible avec le maintien et le développement de certains paysages considérés comme figés ad vitam aeternam. Or, le paysage est constitué de vivant. Par définition, il ne peut être figé. Le paysage ne se limite pas à planter des arbres par pur esthétisme. Il faut éviter de penser qu’il s’agit simplement d’une appréciation personnelle. Le paysage revêt plusieurs facettes. Il est construit. Il n’est pas seulement constitué de matériaux naturels. Il existe aussi dans le milieu urbain, constitué de verre, pierre, béton et autres matériaux peu appréciés. Au-delà de cette construction matérielle, il y a un discours qui formate le paysage dans notre esprit. Le paysage est donc politique, c’est une chose qui se construit collectivement et politiquement. Cette construction se fait par valeurs : un paysage est « beau » ou « moche ». Chacun va projeter des choses différentes lorsqu’il contemple un paysage.  Est-ce que le paysage ne reflète pas finalement le narratif dominant collectif ? On sélectionne quels paysages préserver et ceux qu’il faut transformer ou détruire. Le paysage est aussi une expérience qui suscite nos 5 sens. Si un sens ne peut plus être stimulé par un paysage, alors il y a quelque chose de problématique dans celui-ci : si on n’entend pas les oiseaux chanter, c’est qu’ils sont absents. Le paysage est aussi le reflet du changement. On peut y observer les effets du changement climatique. Il s’agit donc d’une trajectoire. Le paysage est aussi invisible, c’est tout ce que l’on ne voit pas : la biodiversité des sols, l’urbanisme sous-terrain.  
L’approche paysagère permet de parler d’approche systémique et intégratrice en considérant les solutions tout au long de leurs trajectoires. Il s’agit d’un instrument de mobilisation et de discussion pour la transition écologique là où il n’y en a pas. Il faut redonner un pouvoir démocratique dans les choix de société aux citoyens et les faire participer dans les débats sur la transition. L’approche paysagère ne déracine pas, elle permet de parler de ce que l’on sait sans prérequis nécessaires. Pour autant, le paysage n’a pas la même signification pour tout le monde. Même si cela ne nécessite pas de prérequis techniques, il faut néanmoins que la réflexion citoyenne puisse se retranscrire dans quelque chose d’opérationnel. Il y a des professions disponibles mais elles ne sont pas assez nombreuses et pas assez interconnectées : paysagistes-concepteurs, architectes, urbanistes, écologues, forestiers, agronomes, etc.  
La Convention Internationale sur le Paysage défini le paysage comme « partie du territoire tel que perçu par les populations et dont le caractère résulte de l’action combinée de facteurs naturels et humains et de leurs interrelations. ». Cette définition instaure un triptyque : préserver, gérer, aménager. La préservation du paysage n’est jamais absolue puisque le paysage est vivant, mouvant. Il faut que le paysage soit un enjeu pris au sérieux pour que l’on puisse ensuite procéder à l’éducation au paysage dès le plus jeune âge. Ce qui modifie le paysage ce sont les infrastructures technologiques pour la transition comme les éoliennes. Mais si ce ne sont pas ces infrastructures, quels sont les éléments qui viendront transformer nos paysages ? Les catastrophes naturelles : incendies, inondations, etc. Il faut orienter le débat sur cette perspective-là. Les mutations à faire du paysage sont pour leur bien et pour le nôtre. Toutefois, le paysage peut se heurter à une multitude d’enjeux qui se bousculent et qui le transformeront radicalement. On adopte des approches toujours très techniques avec une difficulté à considérer le paysage comme le lieu fédérateur de tous ces enjeux divergents. Il s’agit là d’une grande opportunité mais en même temps d’une grande difficulté.  
L’approche paysagère permet de prendre en compte les affects liés au paysage. Nous sommes des urbains qui parlons de paysages mais il y a des réalités qui peuvent nous échapper comme la souffrance paysagère. 80% du territoire français (50% agriculture, 30% forêts) est en souffrance économique, écologique et sociale. On pense la violence seulement dans les quartiers populaires mais des éléments de violence existent dans le monde rural au sujet du glyphosate, des méga-bassines et des méthaniseurs. Pour l’instant, les politiques publiques existantes sont trop faibles, trop défensives. L’enjeu du paysage se joue aussi dans les lieux privés. Il faut une approche offensive pour accélérer la marche vers la transition écologique. L’approche paysagère peut également rendre compatible la justice sociale et la transition écologique. 
Alors que le paysage est souvent relégué au second plan des politiques publiques et considéré comme accessoire ou subjectif, cette note met en avant la manière dont une approche paysagère peut aider à mener à bien la transition écologique, de la manière la plus démocratique et la plus désirable possible. Au-delà de la simple préservation et des cartes postales, donner une plus grande importance au paysage dans nos choix de société peut nous aider à rester en accord avec les limites planétaires.