À l’occasion de la publication de la note : « L’écologie des sciences et les politiques environnementales : mariage impossible, union de raison ? », La Fabrique Écologique a organisé son 52e Atelier Co-Écologique le 27 juin 2023, à la Recyclerie, en présence de Lucile Schmid vice-présidente de LFE, essayiste politique et co-présidente du groupe de travail, Denis Couvet, professeur au Museum national d’Histoire naturel, président de la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité et co-président du groupe de travail, Héloïse de Gaulmyn, rapporteure du groupe de travail, et étudiante en sciences humaines et sociales à l’Ecole Normale Supérieure Paris Saclay et de deux grands témoins, Pascale Bosbœuf, autrice d’une thèse « chercheurs et décideurs face aux politiques locales d’adaptation aux changements climatiques », cheffe de projet Recherche au cabinet Koncilio, et Fabrice Rousselot, directeur de rédaction The Conversation. Le débat a été animé par Géraud Guibert, président de La Fabrique Ecologique.
Lucile Schmid, co-présidente du groupe de travail, a d’abord prononcé quelques mots d’introduction et a poursuivi en soulignant que cette note apparaît dans un contexte favorable, où le besoin de faire évoluer les rôles sociaux traditionnels se fait ressentir. En effet, de plus en plus de scientifiques se disent révoltés, ils affirment des positions engagées, notamment au sein de collectifs comme Scientifiques en rébellion ou Labos1point5, et ne cessent de tirer la sonnette d’alarme. Elle a poursuivi en évoquant le fait que l’art de gouverner qui met en collaboration des élus et des administrations n’est pas ou plus à la hauteur de l’urgence écologique, en précisant que cette ligne de tension a inspiré la note.
Denis Couvet évoque l’absence de prise en compte dans les politiques des diagnostics et modèles prospectifs produits par la recherche. Il présente les trois propositions du groupe de travail. La première, sur laquelle il insiste, concerne la nécessité d’une culture générale scientifique associant les systèmes complexes des sciences humaines et sociales et sciences de l’écologie, aux systèmes simples des sciences exactes et de la nature. Le deuxième enjeu est interdisciplinaire c’est-à-dire l’interaction d’un ensemble de disciplines. Les médias peuvent endosser ce rôle de mise en relation des savoirs, de synthèse, toutefois cela ne remplace pas une expertise interdisciplinaire réalisée par les scientifiques. Enfin la troisième proposition concerne la nécessité d’enceintes de transdisciplinarité. Il fait le constat qu’il n’y a pas que les universitaires qui concentrent les savoirs, l’enjeu est de combiner savoirs scientifiques, certes, mais aussi techniques et vernaculaires, essentiels dans la fabrique d’un projet de société durable.
Puis, Lucile Schmid est revenue sur la troisième proposition déclarant qu’il faudrait imaginer certains lieux de réflexions qui pourraient porter des propositions sans conflits d’intérêt. D’autre part, elle a insisté sur le fait qu’il existait peu de chercheurs au sein des administrations publiques et qu’il serait nécessaire d’enrichir la diversité des profils, notamment créatifs, des acteurs publics.
Héloïse de Gaulmyn, rapporteure du groupe de travail, étudiante à l’École Normale Supérieure Paris Saclay en sciences humaines et sociales rappelle qu’historiquement la recherche s’attache à développer des innovations techniques, qui ont permis une amélioration de la qualité de vie des hommes. Aujourd’hui la recherche ne peut pas se contenter de cela et doit autant investir les lieux de pouvoir que la société civile. Dans cette perspective, l’interdisciplinarité est essentielle. La recherche est très disciplinaire et spécialisée ce qui creuse le fossé entre recherche et société et même entre chercheurs de disciplines différentes qui peinent à penser des projets interdisciplinaires. Il existe des initiatives, souvent locales, de collaboration recherche-société-décideurs publics mais ils demeurent minoritaires et peu valorisés par les pairs.
Pascale Bosboeuf, autrice d’une thèse « chercheurs et décideurs face aux politiques locales d’adaptation aux changements climatiques » et Grand Témoin de cet atelier, rappelle que les savoirs actionnables diffèrent selon les étapes de la décision publique, sensibilisation, inscription sur l’agenda politique, passage à l’action… Elle pose la question de représentation des savoirs scientifiques sur le changement climatique qui rende compliquer de passer le mur de la communauté scientifique. Alors qu’il est du devoir du politique d’opérer cette synthèse, lorsqu’il s’agit de problèmes complexes, pervers, une synthèse peut être réfléchie collectivement avec chercheurs et citoyens. Enfin, Pascale Bosboeuf souligne que le changement climatique demande une extension du domaine de l’état de droit qui inclurait les entités touchées par les activités humaines, c’est-à-dire la nature et les non-humains. Elle alerte contre les dangers de l’écologie punitive et de son extrême opposé : l’écologie des solutions, positions qui paralysent et simplifient les problèmes.
Fabrice Rousselot, directeur de rédaction The Conversation et second Grand Témoin, note que l’actualité écologique intéresse beaucoup plus aujourd’hui révélant l’intérêt des lecteurs pour les sujets écologiques, notamment les éclairages scientifiques. The fait le lien entre la recherche, les décideurs et le lien. Le journal fonde ses analyses sur une étroite collaboration entre chercheurs et journalistes, valorisant les travaux pluridisciplinaires. Selon lui, l’enjeu actuel est de parvenir à activer le levier permettant de transformer les savoirs et propositions de la recherche en politiques publiques. Comment mobiliser la recherche ? Fabrice Rousselot s’interroge : avons-nous besoin de ressentir les effets du changement climatique pour adresser le problème ?
Une session de question a ensuite été ouverte avec le public et l’une des principales interrogations qui revenait était la place du citoyen dans le processus démocratique et notamment son rôle entre les chercheurs et les politiques. L’audience souligne la fragilité des institutions qui paralyse ses acteurs face à l’urgence écologique. On interroge les échecs des politiques environnementales, à l’échelle locale, nationale et européenne, et l’évolution du parti politique Europe Ecologie les Verts. Enfin pour conclure le débat, Géraud Guibert a rappelé que cette note se donnait pour objectif d’ouvrir un débat, de poser des questions et que des retours seraient les bienvenus afin de compléter la note.
Cet Atelier Co-Ecologique, dont vous pouvez retrouver la retransmission sur Facebook, sur notre chaîne Youtube et sur notre chaîne de podcast, aura donc ouvert un espace de débat très intéressant grâce aux interventions enrichissantes des participant.es. Il démarre inaugure ainsi avec succès cette phase de co-construction pendant laquelle chacun peut amender et ajouter des propositions à la Note.