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Etude n°7 : « Low-tech, low-great ? Repenser le travail et l’économie »
Publié le 18 septembre 2025
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Article publié - N°7
Alors que les acteurs traditionnels de la question de l’emploi (syndicats, entreprises, travailleurs, organismes de formation) considèrent de plus en plus les impératifs écologiques, ils manifestent peu d’intérêt pour la démarche low-tech. Celle-ci continue d’être perçue comme une démarche individuelle « do-it-yourself ». Pourtant, dans un contexte de chômage, de délocalisation, de robotisation, et de reconversion des secteurs polluants, les low-tech peuvent être porteurs d’amélioration de la qualité de vie au travail. Ce potentiel reste largement ignoré par le monde professionnel. Cette étude cherche à identifier les raisons de cette marginalisation des low-tech et les leviers de démocratisation. Elle vise également à proposer des pistes de réflexion pour une transformation écologique du travail qui soit à la fois socialement juste et économiquement viable.
La démarche low-tech se présente comme une alternative aux modèles productivistes en repensant la manière dont les objets, infrastructures et services sont conçus, utilisés et réparés. Elle met en avant la sobriété technologique, la relocalisation des savoir-faire et l’autonomie des usagers, tout en réduisant l’empreinte environnementale des activités humaines. Toutefois, son intégration dans le monde du travail et de l’emploi se heurte à des résistances institutionnelles et économiques, qui en limitent l’adoption à grande échelle.
Les acteurs institutionnels et syndicaux interrogés témoignent d’une faible appropriation du concept de démarche low-tech. Certains y voient une opportunité d’innovation et de résilience, tandis que d’autres expriment une crainte de régression technologique et de perte de compétitivité. Ce décalage entre les ambitions de la démarche low-tech et la logique dominante de croissance illustre les difficultés d’un changement de paradigme économique. De plus, si la notion de low-tech est valorisée dans les discours autour de la transition écologique, elle peine à se traduire en mesures concrètes de soutien.
Les huit études de cas menées dans les secteurs de la construction, du numérique, de la mobilité et de l’agriculture montrent que la démarche low-tech n’est pas simplement une question de choix techniques, mais qu’elle implique une transformation des modes de production et d’organisation du travail. À La Facto, association d’architecture participative, la recherche de sobriété matérielle s’accompagne d’une remise en cause du rôle traditionnel de l’architecte, en privilégiant des chantiers collectifs et des matériaux de réemploi. Pièces2mobile, spécialisée dans la réparation et le reconditionnement de téléphones, se heurte quant à elle aux restrictions imposées par les fabricants et à un cadre réglementaire qui privilégie encore le recyclage au détriment du réemploi. Dans le secteur agricole, la Ferme de Gisy souligne que les pratiques low-tech, bien qu’écologiquement et socialement vertueuses, restent économiquement fragiles, car elles nécessitent plus de main-d’œuvre et sont peu soutenues par les aides publiques.
L’un des aspects majeurs mis en avant dans le rapport est la dimension sociale de la low-tech. Dans plusieurs structures, elle favorise l’autonomie des travailleurs, la transmission des savoirs et la démocratisation du travail. Une organisation comme Les Cyclopes qui œuvre dans la cyclo-logistique et la réparation de vélos, montre comment ces pratiques permettent d’ouvrir des opportunités d’emploi à des personnes éloignées du marché du travail. Toutefois, la mixité et l’accessibilité restent des défis : certains secteurs, comme la mécanique et la construction, restent majoritairement masculins.
Les dynamiques territoriales et collectives jouent un rôle clé dans le développement de la low-tech. À Rosny-sous-Bois, la Direction recherche et innovation territoriale (DRI) de la ville a intégré des principes de construction low-tech dans ses projets d’écoles, en favorisant, entre autres, l’utilisation de matériaux biosourcés et locaux. Cette initiative illustre le potentiel des collectivités locales à accompagner ces transformations, bien que les contraintes réglementaires et budgétaires limitent encore leur portée. De manière plus générale, les structures s’inscrivant dans une démarche low-tech s’appuient souvent sur des réseaux et des collaborations locales denses. Antanak, spécialisée dans la récupération, réparation et installation de logiciels libres sur des appareils numériques, fonctionne sur un modèle horizontal où les usagers apprennent à réparer leurs équipements tout en s’intégrant dans un collectif solidaire.
Cependant, le développement de la low-tech se heurte à des freins économiques et institutionnels importants. La majorité des structures rencontrées peinent à assurer leur pérennité financière. Les subventions publiques sont souvent orientées vers l’innovation technologique, laissant peu de place aux projets low-tech qui privilégient le réemploi et la réduction des consommations. Certaines initiatives réussissent à s’insérer dans des modèles économiques alternatifs, comme les AMAP agricoles, mise en place par la Ferme de Gisy et la Ferme Sapousse. Cette dernière a fortement travaillé sa résilience en gagnant en autonomie sur les plans technologique, agricole et financier, grâce à des réseaux d’entraide. Mais ces alternatives restent minoritaires face à un marché encore largement dominé par la course à l’innovation et à la productivité. La reconnaissance institutionnelle de ces pratiques est également limitée : les marchés publics et les réglementations environnementales favorisent encore des approches standardisées, qui tendent à exclure les solutions low-tech et les expérimentations.
Une autre tension relevée dans le rapport concerne la récupération et la marchandisation de la low-tech. Certaines structures, comme la Ferme Sapousse, s’inquiètent de voir des entreprises ou des collectivités utiliser le terme « low-tech » comme un simple argument marketing, sans réelle remise en question de leur mode de production. Ce risque de « low-techwashing », d’après La Facto, met en lumière la nécessité de préserver une approche critique et exigeante de cette démarche.
Enfin, le rapport insiste sur la nécessité de penser la low-tech comme un levier de transformation systémique du travail et de l’économie. La transition écologique ne pourra aboutir sans une refonte des critères de performance économique : tant que la croissance et la compétitivité resteront les principaux indicateurs de réussite, les alternatives low-tech peineront à s’imposer. De plus, une réappropriation démocratique des choix productifs semble indispensable, afin que les travailleurs et citoyens puissent décider collectivement quels objets et infrastructures doivent être produits, et dans quelles conditions.
La démarche low-tech ne peut se limiter à une alternative technique : elle implique une réorganisation du travail, de l’économie et des politiques publiques. Pour qu’elle devienne une réelle alternative au modèle dominant, il est essentiel d’adapter les politiques de financement et de réglementation, de favoriser des écosystèmes de coopération locale, et de redonner une valeur sociale et économique aux métiers de la réparation, de l’entretien et du réemploi.
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