Climat
Shame on you !
Publié le 13 août 2015
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Article de l’Oeil - N°5
L’ouvrage « Is shame necessary? »1 de Jennifer Jacquet tient à déconstruire le mythe de « l’individu responsable », qui serait à lui seul un acteur décisif dans la lutte contre le changement climatique. La professeure américaine met en avant une stratégie bien plus efficace que le sentiment de culpabilité inhérent à la consommation « responsable » : la responsabilité citoyenne par la dénonciation des entreprises responsables des dommages environnementaux. La honte serait-elle un outil de taille à sauver la planète ?
Le sentiment de culpabilité, et la menace d’exclusion du groupe qui en résulte, ont souvent été utilisés par diverses institutions (familiales, religieuses, scolaires, etc.) afin que les individus s’autorégulent et ne s’éloignent pas des normes admises par la société. Cette responsabilisation de l’individu, assumée par plusieurs ONG environnementalistes, qui tend vers la culpabilisation lorsque l’on parle du consommateur, est basée sur le paradigme affirmant que si la demande change, l’offre va également évoluer. Il ne tiendrait donc qu’à nous d’acheter des aliments issus de l’agriculture biologique pour faire diminuer les taux de pollution dans les nappes phréatiques.
Cet ouvrage volontairement provoquant s’oppose à cette idée et inverse le problème. Il veut démontrer que les changements de comportements individuels n’apportent que des évolutions à la marge de notre système, qui reste dominé par des logiques économiques incompatibles avec la protection de l’environnement. Le vrai défi serait par conséquent de replacer la responsabilité des dégâts environnementaux dans le champ des Etats et des entreprises, en les exposant à la désapprobation de l’opinion publique. La dénonciation publique est ainsi envisagée comme « l’arme du faible contre les puissants », un moyen citoyen efficace – à condition de bien l’utiliser – de transformer le système.
#1 Si une partie de l’industrie s’est adaptée positivement au défi écologique, il faut bien admettre que le poisson labellisé « pêche durable », la compensation de l’empreinte carbone de nos achats ou encore le commerce équitable ne sont pas devenus les nouveaux standards de consommation. Selon l’auteure, les problèmes collectifs, comme la pollution des eaux causée par l’usage massif de pesticides dans l’agriculture conventionnelle, ne peuvent pas être réglés entièrement par des choix individuels. Le sentiment de culpabilité requiert une conscience pour se développer et ne peut donc pas s’appliquer aux firmes internationales et aux Etats. De ce fait, il n’est pas assez puissant pour transformer les moyens de production à grande échelle.
#2 Plutôt qu’une culpabilité en tant que consommateur, l’auteure propose de développer notre responsabilité en tant que citoyen. Lorsque les Etats faillissent à incorporer les préoccupations environnementales dans leurs politiques publiques, et en l’absence de sanctions adaptées pour les entreprises qui dégradent l’environnement, la condamnation publique est une solution qui peut se révéler très efficace. Menacer la réputation d’une entreprise à l’heure d’internet et de la diffusion quasi-instantanée et virale des informations peut constituer une pression suffisante pour négocier avec elle2.
#3 Pour être efficace, la stratégie du« shaming » doit répondre selon l’auteure à certains impératifs, afin de ne pas devenir contre-productive. Il faut ainsi la faire porter par un acteur crédible et réputé3, au fort capital social. Les diverses voies de recours doivent avoir été épuisées. La campagne de dénonciation aura également plus de poids si elle s’étend aux clients habituels de l’entreprise. Dernier point conditionnant une stratégie du « shaming » efficace : ceux qui pilotent celle-ci ne doivent pas être liés financièrement à l’entreprise en question.
1 “Is shame necessary? New uses for an old tool”, Jennifer Jacquet, professeure assistante à l’Université de New-York. Paru en 2015, éditions Pantheon Books.
2 La campagne organisée par Greenpeace contre Nestle en 2010 est un bon exemple des retombées positives de cette pression. L’ONG a diffusé sur internet une vidéo d’un homme s’apprêtant à manger un Kit Kat, mais qui mord finalement un doigt sanglant d’orang-outan. Deux mois après la diffusion virale de cette vidéo, la firme s’estengagée à stopper l’importation d’huile de palme de l’Asie du sud-est, responsable de la déforestation menaçant la survie de l’espèce. Lien vers la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=VaJjPRwExO8
3 Ainsi les prix « Pinocchio », qui dénoncent les entreprises dégradant l’environnement et pratiquant de surcroit le greenwashing, sont organisés par Les Amis de la Terre, l’un des plus gros réseaux écologistes en France.
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À partir de l'article "Is climate change the problem? A feminist analysis of climate change discourses in Spain and Catalonia" rédigé par Maria Borràs Escayola, Federica Ravera et Marta G. Rivera Ferre, Carlos Fernández souligne trois points qui montrent l'importance des discours politiques en matière de changement climatique. L'article analyse comment les représentations dominantes du changement climatique influencent la conception des politiques climatiques. Les autrices insistent sur l’importance d’identifier les angles morts dans la problématisation du changement climatique, pour mieux concevoir ces politiques. Enfin, elles identifient deux discours alternatifs (la décroissance et l’écoféminisme) qui permettent d’identifier différentes causes structurelles souvent négligées dans la conceptualisation des politiques climatiques.
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