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PLF 2026 : Lecornu opte pour l’inaction climatique
Publié le 30 octobre 2025
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Article publié - N°-1
L’écologie a occupé une place plus que limitée dans la déclaration de politique générale du Premier ministre Sébastien Lecornu du mardi 14 octobre.
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En 34 minutes, le Premier ministre a parlé d’“urgences”, mais pas d’urgence écologique. Il a simplement indiqué qu’il proposerait en décembre un projet de loi pour renforcer le pouvoir local, ce qui pourrait être selon lui une “formidable occasion de repenser complètement notre planification écologique et énergétique”. Des mesures concrètes ? Plus tard, “nous ferons des propositions précises”, a-t-il promis.
En attendant ces précisions, on a également entendu le terme “transition écologique” lorsqu’il a été question des grandes fortunes. Sébastien Lecornu a évoqué une “contribution exceptionnelle des grandes fortunes”, dont le produit pourrait être affecté au “financement des investissements du futur qui touchent à notre souveraineté, pour les infrastructures, la transition écologique ou la défense”.
Là encore, ce sont de vagues suggestions. Le Premier ministre s’est défendu en déclarant :
“Au regard de la situation politique, je ne pouvais pas parler de tout”
Cette absence de l’écologie dans son discours a suscité des réactions très critiques.
Celle de Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes : “Sébastien Lecornu a réussi à faire pire que François Bayrou, en ne mentionnant pas une seule fois ni la crise climatique ni l’effondrement de la biodiversité.”
Et de Cyrielle Châtelain, présidente du groupe écologiste et social à l’Assemblée nationale, qui a censuré le gouvernement. Celle-ci a souligné qu’’”aujourd’hui, ne pas agir de manière ferme contre le changement climatique, c’est laisser prospérer des calamités environnementales.” Elle a également demandé au Premier ministre s’il comptait « publier une programmation pluriannuelle de l’énergie sérieuse pour garantir le développement de l’éolien et du solaire ».
En réponse, celui-ci a répondu qu’il fallait “interroger la manière dont l’argent public est employé pour financer les énergies renouvelables”, et vouloir éviter les effets de rente sur le financement des énergies renouvelables. Il fait référence aux « effets d’aubaine » dont auraient selon lui profité lors de la crise de l’énergie les distributeurs d’énergies renouvelables soutenus par l’Etat, via le système d’achat d’électricité à prix garanti pour soutenir les filières éolienne et solaire.
Budget 2026 : l’écologie au second plan
Sébastien Lecornu a aussi présenté le projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Le budget consacré à la transition écologique reste stable, à 24ºmilliards d’euros.
Certains budgets sont drastiquement réduits comme celui du Fonds Vert qui sera divisé par deux, tombant à 600 millions d’euros ou celui des programmes “nature” (financement des parcs nationaux et des réserves naturelles nationales, plans d’action dédiés aux espèces protégées et menacées, plan zones humides) qui perdra 32ªmillions d’euros en 2026.
Pour l’énergie, le PLF 2026 s’attaque aux énergies renouvelables et prévoit d’augmenter les impôts sur les centrales photovoltaïques. Il a aussi prévu une baisse de 500 millions d’euros des crédits MaPrimeRénov’, qui aidaient les particuliers à financer des projets de rénovation énergétique.
Sur les transports, l’abaissement du seuil du malus CO2 (113ªg/km actuellement) à 98ªg/km en 2028 est une bonne nouvelle car cela pénalise les plus gros émetteurs de CO2 et incite les particuliers et entreprises à décarboner leurs véhicules. En revanche, aucune avancée sur le malus poids qui pénaliserait les véhicules lourds comme les SUV.
En ce qui concerne l’agriculture, quelques points positifs : l’attaque des niches fiscales pour les agrocarburants (les agrocarburants émettent plus que les carburants fossiles car ils sont importés1 et les niches fiscales sont très coûteuses) et le maintien du crédit d’impôt pour l’agriculture biologique. En revanche, l’exonération du gazole non routier (GNR) est maintenue.
Pour les déchets, il y a quelques avancées mais elles sont insuffisantes : la hausse de la taxe sur les activités polluantes (TGAP) et sur les déchets enfouis est trop faible selon Zero Waste France. Il faudrait également augmenter la taxe sur les déchets incinérés qui polluent tout autant. Il y a aussi la création d’une taxe sur les emballages plastiques mais là encore elle est jugée trop faible.
La Cour des comptes, elle, prend au sérieux la transition écologique, sur laquelle elle a publié son rapport annuel sur la transition écologique.
Rapport de la Cour des comptes : le coût de l’inaction climatique
Le 16 septembre dernier, la Cour des comptes a décidé de publier son premier rapport annuel sur la transition écologique. “Lors de la présentation de notre rapport public annuel de 2024, qui portait sur l’adaptation au changement climatique, je m’étais engagé à ce que la Cour, pour répondre aux attentes des citoyens et du Parlement, publie une première édition d’un rapport annuel d’ensemble sur la transition écologique. C’était un pari ambitieux compte tenu de l’ampleur du sujet ; c’est désormais un pari tenu.” a dit le président de la Cour dans son allocution de présentation à la presse.
Le rapport commence avec une accroche percutante :
“La dégradation continue et avérée de notre environnement appelle une action urgente pour en limiter les impacts”
La Cour rappelle les six priorités environnementales européennes : atténuation et adaptation au changement climatique, protection de la ressource en eau, transition vers l’économie circulaire, prévention des pollutions, et préservation et restauration de la biodiversité.
Pierre Moscovici, le premier président de la Cour des comptes, a fait référence dans sa présentation, au communiqué de La Stratégie Pluriannuelle des Financements de la Transition Écologique (SPAFTE). Celle-ci évalue les investissements bas-carbone à plus de 100 Md€ en France en 2023 et estime qu’ils devront doubler en volume, par an, d’ici 2030 pour l’atteinte des objectifs climatiques. Mais pour Pierre Moscovici : “si le montant des investissements impressionne, il reste bien inférieur à ce que coûterait la poursuite des politiques présentes. Les transformations anthropiques du climat et de l’environnement engendrent déjà des coûts considérables pour nos sociétés. […] dans tous les scénarios étudiés, la transition est nettement moins coûteuse que l’inaction. ”
La Cour des comptes insiste donc sur la rentabilité des investissements dans la transition écologique. Cette rentabilité, souvent à long terme, au profit de la société tout entière – et non au seul intérêt de ceux qui ont investi – permettra de limiter la diminution de PIB engendrée par les changements environnementaux, par rapport à un scénario à politiques constantes.
Le rapport montre aussi que réduire les dépenses environnementales serait contreproductif pour le gouvernement car cela ferait augmenter la dette plutôt que de la réduire. En 2024, l’inaction environnementale a déjà été très coûteuse. Les montants des coûts entrainés par la destruction de l’environnement, estimés par le rapport en 2024, sont colossaux : “autour de 300 Md€ en 2024 à l’échelle mondiale”. C’est plus de 10 % du PIB de la France en 2024.
“En France, un scénario de statu quo des politiques menées face au dérèglement climatique entraînerait une perte de 11,4 points de PIB à l’horizon 2050.”
Par ailleurs, le rapport insiste sur la nécessité d’inclure les émissions importées pour compléter l’empreinte carbone de la France. Il rappelle ensuite que nous atteignons “rapidement” les autres limites planétaires : “le déclin de la biodiversité se poursuit, l’adaptation au changement climatique prend du retard alors que ses effets s’amplifient, le volume de déchets augmente, l’état des ressources hydriques se détériore face à des menaces croissantes (pollution, urbanisation…)” .
Enfin, la Cour ajoute six recommandations pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, sans oublier les autres dimensions de la transition écologique : “l’adaptation, la préservation des ressources hydriques et de la biodiversité, l’économie circulaire, la lutte contre les pollutions. ” Voici deux exemples :
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Fixer des objectifs de réduction de l’empreinte carbone dans la stratégie nationale bas carbone (SNBC), déclinés par secteur.
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Évaluer la capacité de financement des ménages pour répartir équitablement leur charge d’investissement en matière de transition écologique.
ATTENTION !
Ce rapport de la Cour des comptes, bien qu’il souligne l’importance des investissements dans la transition écologique, reste logiquement centré sur la comptabilité et sur la bonne tenue des finances publiques sans imaginer un potentiel bien fondé de la dette publique pour financer la transition écologique. De ce fait, l’analyse reste axée sur le PIB, un indicateur qui ignore la santé socio-environnementale. N’oublions pas qu’il existe des indicateurs alternatifs qui nous permettront d’organiser notre société autrement !
Les recommandations de la Fabrique Ecologique
À plusieurs reprises, La Fabrique Ecologique a partagé des propositions pour améliorer l’allocation des investissements en faveur de la transition écologique. Voici quelques exemples :
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Proposition dans la note “Écologie et vie quotidienne : le chemin d’une transition réussie” (février 2025) : Alignement des prix des produits « propres » sur ceux des produits « sales » via l’ajustement de la fiscalité (particulièrement des taux de la TVA).
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Proposition dans le dossier “Les 15 propositions de La Fabrique Ecologique pour le début du quinquennat” (mars 2022) : un dispositif exceptionnel de sécurité écologique professionnelle, le maintien des contrats de travail pour les emplois impactés par la transition écologique pour permettre au salarié de se former pour obtenir un nouvel emploi.
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Proposition dans la note “Deux priorités pour réussir le Zéro Artificialisation Nette (ZAN)”ª(novembre 2024) : donner une vraie priorité à une réduction du nombre de logements vacants, avec une politique volontariste, fiscale et financière et une amélioration de la rentabilité locative des logements anciens. Cette politique fiscale consisterait à prévoir une disparition progressive de la fiscalité sur les terres non bâties à dimension écologique et à introduire des dispositions fiscales innovantes pour protéger les terres agricoles de l’artificialisation.
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En partant du constat que “sans animaux, il n’y a pas de société humaine ”, Pierre Serna, expert de la Révolution, s’est mis à raconter l’histoire “partagée” des humains et des animaux, c’est-à-dire à faire une histoire ensemble, en considérant que les animaux ont une agentivité politique, au même titre que les humains. Il s'agit d'écrire et penser une histoire des animaux en “situation sociale” et étudier les rapports de force et de domination, d’une interrelation sans laquelle l’homme ne serait rien. Cet historien s’intéresse particulièrement à l’agentivité des animaux lors de la Révolution française (1789-1799) et de la Première République (jusqu’en 1804) mais son analyse permet de s'interroger aussi sur le présent. Comment peut-on expliquer qu’en ayant jamais été aussi armés et sensibilisés à la question animale nous tuons chaque année des milliards d’animaux ? Voyons avec Pierre Serna ce que l’histoire “partagée” des humains et des animaux pendant la Révolution du XVIIIème siècle peut nous apprendre....
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