Le 12 octobre 2023, en partenariat avec Ecocampus ENS, association écologiste créée et animée par des étudiantes et étudiants de l’École Normale Supérieure, s’est déroulée la 13è édition des Controverses-Écologiques, à l’ENS rue d’Ulm. Le débat « Quelles actions revendicatives pour la transition écologique ? » a été animé par Géraud Guibert, président de La Fabrique Ecologique. Parmi les intervenant·e·s, nous avons eu le plaisir de compter sur la présence de Caroline Vanuls, juriste et enseignante-chercheuse à l’Université d’Aix-Marseille et à l’Institut Régional du Travail, Fabien Guimbretière, secrétaire national de la CFDT en charge de la politique du développement durable, des politiques industrielles, de la recherche, de l’enseignement supérieur, et de la coordination en matière de RSE, Alexis Cukier, maître de conférences à l’Université de Poitiers, François Chartier, chargé de campagne transport, océan et pétrole chez Greenpeace France, et Anne Le Corre, co-fondatrice du Printemps écologique.
Dans un premier temps, les participants ont abordé les actions revendicatives à mettre en place au sein des entreprises pour accélérer la transition écologique, explorant les voies de l’intégration de ces préoccupations au cœur des organisations. Dans un second temps, ils ont échangé sur la manière de discuter de ces actions au sein de la société dans son ensemble.
Les intervenant·e·s ont souligné à maintes reprises l’importance de la convergence des risques professionnels et environnementaux, mettant en lumière l’impératif d’une transition équitable. Les intervenant·e·s ont rappelé l’origine historique du droit du travail lié à la santé au travail, déjà une question environnementale majeure au XIXe siècle, avec des alliances entre mouvements écologistes et sociaux. Malgré une division ultérieure entre enjeux syndicaux et environnementaux, l’urgence actuelle, marquée par la pandémie, les changements climatiques et les aspirations de la jeunesse, nécessite une approche intégrée, partant de l’urgence écologique pour aborder les questions sociales. Ils et elles ont fortement insisté sur la nécessité d’incorporer les préoccupations environnementales dans le dialogue social, en reconnaissant les droits essentiels des travailleur·euse·s pour qu’ils et elles contribuent activement à la transition écologique. En fin de compte, une transition réussie doit nécessairement prendre en considération les besoins des travailleur·euse·s.
Le débat autour de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) a généré des discussions et des divergences d’opinions parmi les intervenant·e·s. Enfin, toutes et tous étaient d’accord pour dire que les organisations syndicales, depuis une dizaine d’années, travaillent activement pour introduire la question environnementale dans le dialogue social.
Lors de la session de questions, plusieurs sujets cruciaux ont été abordés. Parmi eux, la nécessité d’accompagner les agriculteur·rice·s dans les changements nécessaires pour la transition écologique, la question de la désertion ou de la résistance au changement au sein des entreprises, la possibilité de négocier les prix pour les agriculteur·rice·s, ainsi que le rôle essentiel des syndicats face à la disparition de certaines professions.
Anne Le Corre a souligné que malgré l’urgence des enjeux, il est essentiel de prendre des décisions démocratiques pour orienter la transition. Elle a mis en évidence l’impact du rapport de force entre les salariés et la direction sur les débats au sein des entreprises. La co-fondatrice du Printemps Ecologique a également mis en avant la nécessité de remettre en question la culture d’entreprise pour encourager un dialogue critique, soulignant le rôle central des syndicats dans la mobilisation et l’inspiration.
François Chartier a rappelé qu’en premier lieu, il fallait arrêter d’opposer la fin du monde et la fin du mois. Il a précisé que la disparition de professions est un phénomène ancien, et que des politiques publiques appropriées sont essentielles pour gérer ces transitions en investissant de manière adéquate. Il a conclu en soulignant que la transition doit être motivée par l’enthousiasme plutôt que par le désespoir.
Alexis Cuckier a mis en évidence la nécessité de résister de l’intérieur des entreprises pour orienter ces-dernières vers des transformations écologiques, tout en soulignant l’importance de ne pas négliger les travailleur·euse·s précaires qui n’ont souvent pas le choix. Il a également relevé une lacune dans la planification écologique, qui a omis de prendre en compte le rôle essentiel des travailleur·euse·s, malgré le fait qu’ils et elles soient les mieux placé·e·s pour impulser des changements significatifs.
Fabien Guimbretière a rappelé l’importance de l’accord ANI, soulignant que, bien que perfectible, il représente une avancée significative dans la promotion du dialogue social. Il a également évoqué la complexité de la transition écologique et la nécessité d’impliquer l’ensemble des parties prenantes pour une transformation équitable. Il a posé la question cruciale de la sobriété comme clé pour une transition réussie, insistant sur la nécessité d’anticiper les solutions pour garantir la sécurité du processus.
Caroline Vanuls a plaidé en faveur de changements dans les règles du jeu, de renforcement des outils juridiques, et d’une action des syndicats au niveau des instances européennes et internationales pour favoriser la transition. Elle a souligné le besoin d’accompagner les travailleur·euse·s dans leur prise de conscience environnementale, d’adapter leurs compétences et de former les élu·e·s et militant·e·s syndicaux. Caroline Vanuls a également expliqué que les entreprises ont souvent utilisé la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) pour masquer leurs actions et éviter la régulation étatique.
En conclusion, Géraud Guibert a rappelé l’importance d’être en phase avec son activité, qu’elle soit professionnelle ou syndicale, pour être efficace. Il a encouragé l’engagement collectif pour influencer les choix collectifs.