La Fabrique Ecologique

Le 13 février en partenariat avec Sorbonne Développement Durable, se déroulait la 5^ème édition des Controverses Ecologiques. Le débat : « Comment cohabiter avec les animaux » a été animé par Laurent Simon, professeur de géographie à l’Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne. Pour traiter de ce sujet, trois personnalités ont été conviées : Alizé Berthier, docteure en géographie de l’Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne ; Gilles Luneau, écrivain, journaliste spécialiste de la PAC et réalisateur ; Anne-Cécile Suzanne, agricultrice et consultante.

Lors de l’introduction de l’événement, Laurent Simon a rappelé que le regain d’intérêt pour cette question était dû à plusieurs facteurs dont l’effondrement de la biodiversité ou encore la crise des modes de production. Selon lui, le recul de la place du sauvage conduit paradoxalement à une multiplication des espaces de rencontre entre humain et non-humain. Il a par la suite relayé les questions de la Controverse : qu’entend t-on par cohabitation ? Quel lien intime autour de ce qui fait société et politique ? L’animal est-il au cœur des débats et d’évolutions fondamentales ?

Anne Cécile Suzanne a fait le récit de son élevage et du lien intime qu’elle entretient avec les animaux, dont elle rappelle les comportements sociaux. Elle évoque aussi le lien fort entre la précarité ou la dépression de certains éleveurs et les élevages ou les animaux sont maltraités. Toutefois, elle dresse la limite entre l’Homme et l’animal en arguant la supériorité du premier au regard de sa culture. Ainsi même si le lien qu’elle a avec ses animaux est fort cela ne l’empêche pas de les envoyer à l’abattoir. Pour Alizé Berthier, spécialiste de la question des oiseaux sauvages du Grand Paris, même si la notion de « nuisible » a disparu, les comportements continuent d’en illustrer la pensée. Elle a souhaité aborder la rupture fondamentale qui existe pour nombre de chercheurs lors de ce type de débat du à la non présence des animaux et des biais induits par cette absence. A propos de la cohabitation, elle a souligné que s’il doit exister des espaces de rencontre entre les espèces, d’autres espaces réservés aux unes et aux autres doivent être pensés. Gilles Luneau parle quant à lui de l’introduction d’une rupture civilisationnelle du lien entre l’Homme et l’animal, d’abord avec l’industrialisation massive de l’élevage puis avec développement de la viande à base de cellule souche. Ces modes de production coupent le lien entre l’Homme et la production de nourriture. Par ailleurs il existe pour lui une schizophrénie totale entre l’anthropomorphisation des animaux domestiques et le traitement infligé aux autres.

La parole a ensuite été donnée à la salle, qui était très impliquée dans le débat. Une réaction a notamment eu lieu sur l’attaque faite contre la viande à base de cellule souche, alors même qu’elle pallierait le problème de la maltraitance animale. Mais pour Gilles Luneau, derrière cette « évolution » se cache des intérêts économiques qui jouent un double jeu de promotion du véganisme par le biais de financements et de lobbying pour devenir hégémoniques sur le marché. Par ailleurs, Anne Cécile Suzanne a argumenté en rappelant l’importance de l’élevage pour la biodiversité. Pour un autre intervenant, il faut dépasser la pensée manichéenne actuelle pour notamment réhabiliter le métier d’agriculteur. Alizé Berthier a cependant émis une réserve quant à l’idée que le modèle défendu par Anne Cécile Suzanne de polyculture élevage puisse être globalisé étant donné la demande. Enfin d’autres sujets tels que la réintroduction d’espèces ou le rapport à la mort que ces questions soulèvent, ont été abordés pendant cet échange riche et animé !