Le 15 décembre 2021, en partenariat avec Sorbonne Développement Durable, se déroulait la neuvième édition des Controverses Écologiques. Le débat « A la lumière des scénarios publiés, quelles priorités pour la transition énergétique ? » a été animé par Géraud Guibert, président de La Fabrique Ecologique. Quatre intervenants ont participé à cette Controverse : Yves Marignac, porte-parole de Négawatt, Valérie Quiniou, directrice exécutive prospective et recherche à l’Ademe, Jacques Rigaudiat, conseiller-maître honoraire à la Cour des comptes, et Behrang Shirizadeh, chercheur et consultant sur la transition énergétique, auteur principal des travaux du CIRED sur le mix électrique et énergétique de la France.
En introduction, il a été rappelé que l’objectif de cette controverse était avant tout de recentrer le débat dans un contexte où des assertions parfois caricaturales sont proclamées à l’occasion de la campagne présidentielle sur les thématiques énergétiques et où les discussions se limitent à une opposition entre le nucléaire et les énergies renouvelables.
Les différents intervenants ont rapidement présenté la méthodologie et les principaux résultats de leurs scénarios respectifs. Les scénarios de l’Ademe se sont appuyés sur les récits de société produits par le Giec. Les travaux menés par le CIRED montrent quant à eux qu’un mix électrique 100% renouvelable ne serait que très légèrement plus cher que le mix actuel. Les scénarios produits par Negawatt s’appuient sur le triptyque « sobriété, efficacité énergétique, énergies renouvelables ».
La première partie du débat a concerné la demande d’énergie. Pour Negawatt, non seulement la diminution de la demande d’énergie est possible, mais elle est également indispensable. Les trajectoires qui ne prennent pas en compte une réduction de la demande énergétique s’exposent à des difficultés, notamment sociales. Pour l’Ademe, la réduction de la demande est également incontournable, et est présente dans tous les scénarios, y compris le plus consommateur qui repose sur une baisse d’environ 20% de la consommation d’énergie finale. La question de l’acceptabilité de la sobriété est rapidement apparue dans le débat. Pour certain, le mouvement des Gilets Jaunes illustre le refus de se soumettre à des contraintes sur l’énergie. Pour d’autre, il illustre au contraire la mauvaise introduction d’une politique de sobriété sans prise en compte des inégalités sociales. Par ailleurs, si d’hypothétiques mouvements sociaux sont à craindre en réaction à la mise en œuvre de mesures de sobriété, d’autres risques sont également à prendre en compte, comme les retards dans le développement de technologies aujourd’hui peu matures ou leur rejet par les populations. Les intervenant.es s’accordent sur la nécessité de concertation en amont des politiques publiques de sobriété. Par ailleurs, la maîtrise de la consommation d’énergie peut s’accompagner de co-bénéfices qu’il faut mettre en avant, comme la réduction de la vulnérabilité de certains ménages face à la précarité énergétique.
La seconde partie de la controverse a porté sur la place accordée à l’énergie non électrique dans un scénario de neutralité carbone. Il a été rappelé en effet que la décarbonation de l’électricité est insuffisante, cette dernière n’est pas adaptée à certains usages, notamment industriels ou de transports par poids lourds. Les intervenant.e.s ont échangé autour des potentiels du biogaz et de la biomasse. La France dispose en effet d’un grand potentiel de biogaz. Le développement de ce dernier ne doit néanmoins pas rentrer en concurrence avec les cultures alimentaires. Il est donc important de se limiter aux utilisations des co-produits et de sous-produits.
Lors de la troisième partie de la controverse, les intervenants ont précisé les critères qui à leurs yeux devaient être pris en compte dans la constitution du mix énergétique. Il a été rappelé que la question de la transition énergétique va soulever des questions qui vont au-delà de la seule composition du mix énergétique, et notamment sur les réseaux (flexibilité, bidirectionnalité, décentralisation, etc.). Ces questions sont souvent invisibilisées. La neutralité carbone doit être atteinte en optimisant le coût de la transition. Le caractère démocratique de cette dernière est également crucial. Enfin, les mix énergétiques doivent être évalués selon le type de gouvernance qu’ils engendreront, leurs impacts sur la biodiversité, leur résilience face aux effets du changement climatique, leurs impacts sur l’emploi ou encore leur compatibilité avec l’échelle européenne. Les différents mix dessinent des paysages très différents, notamment en termes de risques.
En conclusion, les intervenant.es ont souligné la nécessité de multiplier les exercices de débat autour des questions de transition énergétique qui sont encore trop absentes ou maltraitées dans cette époque de pré-campagne présidentielle.