29

novembre

2023

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Évènement passé

La grande redistribution ? Ecologie et démocratie au sein des supermarchés coopératifs

Les intervenants

Jill Madelenat

Directrice des études à La Fabrique Ecologique

Mathilde Boitias

Directrice de La Fabrique Ecologique

Un membre de La Cagette

Montpellier

Une membre de 400COOP

Paris 11ème

Un membre de Coop 14

Paris 14ème

Une membre de Supercafoutch

Marseille

Un membre de La Louve

Paris 18ème

Hajar El Karmouni

Maîtresse de conférences en sciences de gestion à l'Université Paris-Est Créteil

Gregori Akermann

Sociologue et chargé de recherche à l'INRAE

Voir la vidéo Lire l'étude
La Fabrique Ecologique vous a présenté, jeudi 29 novembre 2023 à l’Académie du Climat, son étude sur les supermarchés coopératifs menée par Jill Madelenat, directrice des études à La Fabrique Ecologique, avec le soutien de la Fondation Daniel et Nina Carasso sous l’égide de la Fondation de France.
La première partie de la présentation était dédiée à la présentation de ces initiatives. Les supermarchés coopératifs sont des mouvements relativement récents qui naissent d’un point commun : des citoyens non satisfaits du système alimentaire. La dimension participative et démocratique est inhérente à ces projets. Il faut participer à la vie du magasin pour pouvoir y faire ses courses. L’histoire des coopératives est très longue. La première a vu le jour à Lyon en 1835. Les coopératives alimentaires ont connu une histoire de 150 ans avant un effondrement brutal en 1985. Historiquement, la part des ouvriers et des artisans est importante dans les supermarchés coopératifs. On peut les définir par les caractéristiques suivantes : la marge constante et transparente sur tous les produits (point fondamental de différence avec la grande distribution), la non-lucrativité et le travail bénévole. Il s’agit là des 3 piliers de base pour offrir une alimentation alternative, plus durable et qui rémunère mieux les agriculteurs. On compte aujourd’hui plus de 340 coopératives en France, dont la moitié en zone rurale.  
La présentation de l’étude s’est articulée autour de plusieurs axes dont la place de l’écologie au sein des supermarchés coopératifs. Une grande partie de la population n’arrive pas à se nourrir comme elle le voudrait d’un point de vue sanitaire et qualitatif. La Louve a choisi d’accueillir tous les produits sans aspect moralisateur. “On aurait rêvé d’avoir que des produits bio” affirme le membre de La Louve. Sa volonté 1ère est d’être un supermarché inclusif et de permettre à tout le monde d’avoir la consommation qu’il veut, sans créer de club. Les supermarchés coopératifs ont plusieurs objectifs dont la combinaison ne peut être optimum : bio, peu cher, qui rémunère les agriculteurs à la juste valeur. Il faut donc faire des choix. Avoir l’ensemble des produits permet de faire basculer les gens vers du bio. « Si on a que du bio, on va attirer que des gens qui consomment déjà bio . » En attirant des gens qui ne consomment pas seulement bio, alors ils basculeront peut-être vers une consommation plus respectueuse de la planète ce qui est un autre objectif des supermarchés coopératifs. A contrario, 400 COOP fait le choix d’exclure certains produits pour diverses raisons possibles. Le supermarché coopératif parisien a retiré un fruit en provenance d’Espagne de ses étalages pour ne pas aggraver la sécheresse qui touchait les exploitations dans le pays. Le magasin est doté d’une charte qui veille à ce que les produits soient les plus éthiques possibles : qualité, prix, provenance, type d’agriculture, etc. Lorsqu’un nouveau produit entre dans le magasin, un travail de fond est fait sur l’origine de ce produit : mode de production, traitement des producteurs, etc.  
Concernant la question des emballages, le membre de La Cagette pense que le vrac en supermarché coopératif ne permettait pas pour l’instant de régler le problème. Les produits en vrac sont reçus dans des films plastiques qui sont par la suite transportés par les clients dans des emballages papiers. Il y a là la nécessité que tout le monde apporte ses propres contenants.
Gregori Akermann a réalisé une étude sur l’évolution des pratiques d’achat des membres de La Cagette. On observe des changements de pratique : les gens consomment plus de produits bio et en vrac mais cela correspond-t-il a une écologisation des pratiques de consommation ? Est-ce dû aux phénomènes d’augmentation générale de cette consommation ou des phénomènes de report ? Observe-t-on une augmentation des bonnes pratiques dans les supermarchés coopératifs parce qu’il y a une division des courses ? Les bonnes pratiques de consommation se feraient dans les supermarchés coopératifs et les mauvaises dans la grande distribution. Une fois que les gens arrivent à La Cagette, on observe une réduction de leur fréquentation de la grande distribution mais cela ne promet rien sur la réduction des mauvaises pratiques alimentaires.
La discussion s’est ensuite tournée vers les difficultés rencontrées par les différentes structures et leurs tentatives de résolution. Est-ce souhaitable de maintenir le travail bénévole ? Une grande tension des supermarchés coopératifs est la coprésence du salariat et du bénévolat. Il s’agit là d’une grande différence avec les premiers supermarchés coopératifs du 19ème siècle où il n’y avait pas d’obligation de travailler dans le supermarché pour pouvoir y faire ses courses. Hajar El Karmouni nous en dit plus sur le triple statut consommateur-coopérateur-travailleur. Au 19eme siècle, les ouvriers ne trouvaient pas de produits à des prix non faramineux, l’objectif était d’acheter des produits de première nécessitée en gros pour les revendre à prix coûtant en faisant de la coopérative une école de démocratie et œuvrer en faveur de l’émancipation économique des travailleurs.
La question de la mixité sociale est ancienne. Dans les supermarchés coopératifs on a une surreprésentation des diplômés, de la classe moyenne et supérieure. On observe une hétérogénéité économique avec très peu de personnes en situation de précarité alimentaire. 60-70% des membres sont des femmes ce qui était déjà le cas au 19eme siècle. Certaines coopératives mettent en place des mesures de réduction de prix pour les personnes bénéficiant de parts à tarif réduit sans que ce ne soit stigmatisant comme c’est le cas notamment de Coop14. La coopérative a également mis en place une politique d’animation d’ateliers cuisine pour les « habitants d’en face ». Il s’agit là d’une manière d’attirer un public aux revenus faibles sans contrainte d’achat. 
La mixité sociale est un problème de société nous explique Gregori Akermann. C’est l’homogamie sociale, l’homophilie sociale. On est face à des sociétés qui se constituent en groupes homogènes. La mixité sociale est d’aller à l’encontre des gens qui nous ressemblent. Les systèmes coopératifs tirent leur épingle du jeu en se fondant sur un objectif de mixité sociale pour la transformation des pratiques mais restent pourtant des lieux très homogènes. Les coopératives ne se demandent pas comment construire un projet avec une base mixte mais comment ouvrir les portes à des gens différents.