Le 12 février 2025, La Fabrique Écologique a organisé un atelier co-écologique à l’Académie du Climat à Paris, autour de sa note intitulée «Écologie et vie quotidienne : le chemin d’une transition réussie. Comment sortir du refus écologique ?». Cet événement a permis d’échanger et de débattre sur les diagnostics et les propositions réalisées par le groupe de travail. Les intervenants incluaient Géraud Guibert, président de La Fabrique Écologique et co-auteur de la note, Yann Fradin, vice-président d’Emmaüs France et Mathilde Boitias, directrice de La Fabrique Écologique.
Diagnostic : du refus écologique aux prisonniers de la transition
Géraud Guibert a ouvert l’atelier en soulignant un constat préoccupant : nous sommes entrés dans une période de recul écologique, marquée par un rejet croissant des politiques environnementales. Ce refus ne relève pas d’un manque d’information, mais d’un ressenti négatif des solutions publiques proposées, imposées, qui frappent de plein fouet certaines catégories sociales déjà confrontées à des contraintes économiques et structurelles fortes.
Il a notamment insisté sur la notion de « prisonniers écologiques », qui désigne les individus contraints dans leurs choix par leur situation économique et sociale. Deux exemples peuvent illustrer cette réalité :
-Les familles périurbaines, vivant à plusieurs dizaines de kilomètres des centres urbains, dépendantes à la voiture.
-Les locataires de passoires énergétiques, qui subissent des conditions de vie précaires (froid, humidité) sans moyens financiers pour engager des rénovations.
Ce diagnostic se confirme par les derniers résultats électoraux, en attestent la popularité des mouvements populistes hostiles, voire foncièrement opposés aux politiques écologiques. Face à ce constat, il est impératif de changer de méthode. Les politiques publiques en matière environnementale doivent davantage s’axer sur une amélioration concrète des conditions de vie de chacune et de chacun.
Interrogé par Mathilde Boitias sur ces premiers éléments, Yann Fradin dresse un diagnostic similaire à celui de la Note. Il souligne l’importance d’une transition écologique devant d’abord passer par une amélioration des conditions de vie, en utilisant l’exemple de l’insertion par l’activité économique, secteur pour lequel il œuvre au sein d’Emmaüs. Dans les faits, une large majorité des emplois créés dans l’économie sociale et solidaire sont liés à la transition écologique. Cependant, les personnes concernées, qui correspondent aux critères de prisonniers écologiques, s’y engagent d’abord pour des raisons économiques et non par conviction écologique. Ainsi, il a souligné l’importance de l’apprentissage concret, où les travailleurs deviennent pleinement des acteurs, voire des militants de la transition écologique.
Enfin, Mathilde Boitias a rappelé un enjeu fondamental de la Note, celui du changement des valeurs dominantes. Le modèle du bonheur basé sur la consommation et sur la possession matérielle (maison pavillonnaire, SUV, voyages en avion…) est directement hérité des Trente Glorieuses. Ce paradigme capitaliste demeure un obstacle à la transition écologique. Un changement de mentalité est nécessaire, notamment en matière de consommation énergétique : accepter qu’une décroissance soit inévitable et que l’amélioration du bien-être n’est pas mécaniquement indexée à la consommation matérielle.
Trois propositions pour une transition écologique réussie
Face à ce diagnostic, trois propositions concrètes ont été proposées et soumises au débat.
1. Alignement des prix des produits « propres » sur ceux des produits « sales »
La transition écologique ne peut fonctionner si les solutions durables restent hors de portée financière des plus modestes. Il est donc nécessaire de réduire l’écart de prix entre les produits écologiques et les alternatives polluantes, que ce soit pour l’alimentation (bio vs conventionnel) ou la mobilité (train vs avion low-cost).
2. Un « plan cancer » intégrant un volet environnemental, financé par la Sécurité sociale
De nombreuses études établissent des liens entre l’exposition aux polluants (pesticides, particules fines, perturbateurs endocriniens…) et l’augmentation des cancers. Pourtant, les politiques de santé publique restent centrées sur le soin et non sur la prévention.
De manière plus générale, la Note souligne l’importance d’intégrer une dimension environnementale à l’approche de la santé publique, à l’image notamment du concept One Health, rappelle Yann Fradin.
3. Un programme de lutte contre le gaspillage collectif
Par cette proposition, le groupe de travail entend dépasser une approche du gaspillage focalisée sur la responsabilité individuelle pour, au contraire, en faire un véritable enjeu collectif.
Sur ce point, Yann Fradin souligne les dérives capitalistes perverses à éviter, en prenant l’exemple du bioéthanol. Initialement présenté comme une solution durable, il a finalement conduit à menacer la sécurité alimentaire mondiale, sans présenter de bénéfice particulier pour le climat. Il met au contraire certaines solutions durables en avant, comme le recyclage et le recours à la low-tech.